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La médicalisation de l'échec scolaire

Mémoire : La médicalisation de l'échec scolaire. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  2 Avril 2020  •  Mémoire  •  18 330 Mots (74 Pages)  •  545 Vues

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INTRODUCTION

Ce travail de recherche sur la demande scolaire a été le fruit de la rencontre de plusieurs éléments observés sur mon lieu de travail. Educateur spécialisé en pédopsychiatrie, je suis arrivé récemment sur une structure s’occupant de pré-adolescent (6-16ans), enfants entrant dans le cursus scolaire obligatoire. Le premier élément relatif à ce travail de mémoire concerne donc l’école et plus précisément la demande scolaire de soin. Il y a deux ans, je travaillais dans un service de pédopsychiatrie accueillant des petits (0-6ans) (où les questions scolaires ne se posent pas dans les mêmes conditions). Néanmoins, l’organisation du travail et de la structure était identique à celle de la structure où je suis actuellement. L’école devenant un partenaire incontournable de la poursuite des soins chez les pré-ados, la prise en compte de celle-ci devrait avoir a minima une influence sur l’organisation du service ?  

Le deuxième élément est la situation actuelle de l’hôpital sommé par l’Agence Régionale de Santé (ARS) de revoir son organisation suite à une accréditation non satisfaisante et un déficit cumulé assez important. Les ARS ont été crées en 2009 (loi du 21 juillet 2009)  pour assurer à l’échelon régional le pilotage de l’ensemble du système de santé. Elles doivent garantir une approche plus cohérente et plus efficace des politiques de sante sur un territoire pour répondre aux besoins des patients en optimisant les financements par rapport à l’activité. Elles sont donc responsables de la sécurité sanitaire, des actions de prévention menées dans la région et de l’organisation de l’offre de soins en fonction de la population. C’est ce dernier point qui touche particulièrement l’hôpital de La Chartreuse, où l’audit a recommandé une meilleure efficience des services par des réorganisations de l’activité vers plus d’ambulatoire (le maintien à domicile). Cette réorganisation va nécessairement toucher tous les services et il m’apparaissait intéressant de me questionner sur le fonctionnement de la structure où je travaillais et voir comment accompagner cette réorganisation plutôt que de la subir.  C’est la convergence de ces deux éléments (une organisation inchangée depuis longtemps quelque soit l’âge de l’enfant et une demande des tutelles d’un changement d’organisation) qui a orienté mon sujet de mémoire sur la demande scolaire et ses implications dans l’organisation du service. Ce service de pédopsychiatrie fait face à une augmentation constante de l’activité[1] depuis plusieurs années et la réorganisation de l’hôpital va limiter les moyens de la structure. Cet afflux d’enfants est surtout le fait d’enfants envoyés par l’école pour des troubles d’apprentissages ou du comportement. Qu’est ce qui peut expliquer  l’orientation vers des services de soin de la pédopsychiatrie, d’enfants présentant souvent des troubles légers ? Plusieurs pistes  peuvent être évoquées comme la saturation des autres services de soin du médico social mais aussi le dépistage précoce des troubles à l’école[2] ou la plus grande sensibilisation des personnels de l’Education Nationale aux aspects plus psychologiques des élèves.

Comment accompagner, à moyens constants, l’organisation de la structure pour répondre à la double exigence d’efficacité (réponse à la demande de soin) et d’efficience (optimisation des moyens de la structure demandée par les tutelles) ?

Dans un premier temps, je vais parcourir l’évolution du champ de la pédopsychiatrie pour ensuite le mettre en relief avec la scolarisation des enfants en situation de handicap psychique. Je m’interrogerai sur la demande de soin de la part des enseignants, et questionnerait comment une structure de soin peut en 2016 répondre ou non à ces demandes de soins.

I  Le champ de l’évaluation

1 .1 L’environnement de la pédopsychiatrie.

Le champ d’étude de ce travail va concerner donc une structure de pédopsychiatrie du secteur dijonnais. La pédopsychiatrie est un service dépendant de l’hôpital psychiatrique de la Chartreuse. Avant les années 1945, l’activité psychiatrique se concentrait majoritairement aux seins des hôpitaux psychiatriques de type asilaire[3]. Après la deuxième guerre mondiale, un mouvement d’ouverture de l’asile emmené par Jean Oury (1953) et François Tosquelles (1952) va amener de plus en plus les hôpitaux à  se développer vers l’extérieur notamment avec la psychothérapie institutionnelle dans les années 70,  qui voulant rompre avec les pratiques asilaires antérieures, et favoriser les soins ambulatoires dans la Cité. Les lieux emblématiques de cette ouverture restent l’hôpital de Saint Alban (autour du Dr Tosquelles) et la Clinique de La Borde (autour du Dr Jean Oury). On va ouvrir ou renforcer les dispensaires de soin dans les années 60 avec la circulaire du 27 juin 1960 instituant le principe de la sectorisation. Puis on va progressivement introduire en plus des soins ambulatoires les missions de prévention d’abord chez les adultes par le développement des CMP (arrêté du 14 mars 1986), puis progressivement vers les années 2000 vers les enfants. La  loi de 1975 sur le handicap ne concerne que peu la psychiatrie, elle fixait un  taux d’invalidité en relation directe avec une maladie, l’atteinte d’un organe ou d’une fonction mais la maladie mentale était encore marginale dans sa définition du handicap, notamment le handicap social qu’elle peut engendrer. La loi du 11 février 2005 va représenter pour les personnes en situation de handicap notamment psychique une véritable avancée. Son article 2 enlève toute ambiguïté entre handicap et troubles psychiatriques « constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activités ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou de plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques ». La situation de handicap ne se retrouve plus directement liée à la maladie mais liée aussi à son environnement. Le développement de la pédopsychiatrie va bénéficier de cette redéfinition environnementale des troubles psychiques par une reconnaissance institutionnelle du secteur et par une évolution des troubles psychiatriques devenant observables, quantifiables et objectivables même chez les enfants avec l’adoption d’une nouvelle catégorisation des troubles psychiatriques, basés sur le DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders dès 1952).

L’approche de la maladie mentale à partir du territoire (la sectorisation initiée par la Loi du 31 décembre 1986) va donner lieu à l’élaboration de pratiques inédites plus centrées sur l’individu avec des lectures plus individualisées des troubles et de son environnement. L’environnement devient ainsi un facteur important et rapidement les Centres Médico-Psychologique (CMP) vont avoir en plus d’un accueil de soin, un rôle de dépistage et de diagnostic de la maladie mentale. Cette individualisation au sens d’une lecture  plutôt en terme de trajectoire individuelle où le soin devient une intervention au cas par cas plutôt que généraliste va devenir central dans l’organisation des CMP (on va parler de projet de soin individualisé). Le développement du mouvement d’individualisation (dans le sens d’une intervention plus liée à la personne qu’à sa classe sociale ou sa maladie par exemple) n’est pas propre à la psychiatrie et se retrouve également dans certaines politiques sociales dont les plus emblématiques sont les politiques d’insertion. Le tournant a aussi été autour des années 80 lorsqu’on a affiché la volonté d’individualiser les parcours d’insertion, avec la création du crédit formation individualisé (CFI) et le revenu minimum d’insertion (RMI, le 30 novembre 1988). Mais revenons à la psychiatrie et à son évolution vers des soins plus ambulatoires. Nous l’avons vu plus haut, la loi de 2005 prend de plus en plus en compte la gêne liée à l’environnement pour qualifier le handicap , ou tout au moins la situation de handicap. Cette vision du handicap en rapport avec sa gêne sociale va aussi être favorisé par une classification des troubles psychiatriques américaine en plein expansion, la DSM (Diagnostic and Statistical Manual of mental disorders, classification des troubles psychiatriques élaborée par l’association américaine de psychiatrie à partir des statistiques des hôpitaux psychiatriques) dont la première classification  date de  1952.

Le DSM III publié en 1980, marque une rupture par rapport aux classifications antérieures en essayant de se détacher de la théorie surtout psychanalytique pour ramener les pathologies psychiatriques sur les mêmes modes d’évaluation que les pathologies somatiques. Les catégories ainsi définies doivent permettre grâce à des critères diagnostiques quantitatifs d’augmenter, la fiabilité du diagnostic et sa reproductibilité et surtout sa lisibilité par le public. C’est la grande force de cette classification qui donne même aux non-initiés des grilles de lecture des troubles selon les comportements des individus. Cette classification a longtemps été combattue en France de par son aspect jugé trop comportementaliste et son abandon de la psychanalyse. Mais devant l’influence de plus en plus importante de cette classification américaine largement compréhensible par le public avec ses critères d’observations des troubles, la psychiatrie puis la pédopsychiatrie ont fini par se résoudre à adopter cette classification dans les années 2000.

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