Commentaire d'arrêt de la première Chambre civile de la Cour de cassation du 22 janvier 2014
Commentaire d'arrêt : Commentaire d'arrêt de la première Chambre civile de la Cour de cassation du 22 janvier 2014. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Alexandra Sadok • 12 Mars 2020 • Commentaire d'arrêt • 2 365 Mots (10 Pages) • 781 Vues
Commentaire d’arrêt de la première Chambre civile de la Cour de cassation du 22 janvier 2014:
En l’espèce, un homme (M.X) hémophile depuis l’enfance, a été contaminé par le VIH et indemnisé par le Fonds d’indemnisation des transfusés et hémophiles entre 1994 et 1998.
Ce dernier s’est marié en 2000, et en 2002 le diagnostic de contamination a été porté sur son épouse et sa fille née la même année.
En 2008, l’ONIAM a adressé aux consorts X une offre d’indemnisation de leurs préjudices, qu’ils ont partiellement acceptée en refusant la partie correspondant aux troubles dans leurs conditions d’existence.
Ces derniers ont par la suite saisi la Cour d’Appel de Paris tandis que l’ONIAM a fait savoir qu’il retirait l’offre qu’il leur avait faite en réparation du préjudice moral que M.X prétendait avoir subi du fait de la contamination de son épouse et de leur fille.
Un premier arrêt a donc été rendu le 11 mai 2009, qui a alloué à M.X les sommes de 9150 et 7620 euros du fait de la contamination de son épouse et de sa fille, dans lequel les juges du fond ont considéré que l’ONIAM n’était pas délié des offres qu’il avait formulées pendant la phase non contentieuse de la procédure aux consorts X.
Cet arrêt a par la suite été cassé par la Cour de cassation dans un arrêt du 6 janvier 2011.
L’affaire a donc été rejugée par la Cour d’Appel de Paris, qui, dans un arrêt rendu le 22 octobre 2012, condamne l’ONIAM à payer à M.X les sommes de 4 065,33 et 4 000 euros en réparation du préjudice propre subi du fait de la contamination de sa fille et de son épouse. Les juges du fond considèrent que si M.X n’avait pas été contaminé il n’aurait pas pu contaminer sa famille et que dès lors la contamination qui constitue la source d’obligations de l’ONIAM est en lien objectif avec le préjudice dont M.X sollicite la réparation.
Cependant, les juges du fond en arrivent à déduire un partage de responsabilité laissant à la charge de l’ONIAM un tiers du préjudice puisque selon eux, M.X a sciemment entretenu des relations sexuelles sans protection avec son épouse, ce qui engage sa responsabilité.
Dans cet arrêt, les hauts magistrats ont pu être amenés à se demander: « Un homme séropositif peut-il prétendre à la réparation d’un préjudice propre suite à la contamination de sa fille et de son épouse sachant qu’il a sciemment eu des rapports non protégés avec cette dernière ? »
La Cour de cassation, dans son arrêt du 22 janvier 2014, répond par la négative en cassant et annulant la décision de la Cour d’Appel de Paris en ce qu’elle fixe à 4 065,33 et 4 000 euros les sommes dues par l’ONIAM à M.X pour le préjudice qu’il subit du fait de la contamination de son épouse et de sa fille. En effet, les hauts magistrats ont estimé que le champ d’indemnisation de l’ONIAM n’inclut pas la contamination par des relations sexuelles sciemment non protégées.
À travers cette décision, la Cour de cassation caractérise une absence de lien de causalité direct entre le fait générateur de responsabilité et le dommage, ce qui entraine un refus d’indemnisation du préjudice moral invoqué par la victime (I) et reconnait que la victime a commis une faute ce qui entraine une possible exonération de l’ONIAM (II).
I/ Une absence de lien de causalité direct entre le fait générateur de responsabilité et le dommage entrainant un refus d’indemnisation du préjudice moral
Dans sa solution, la Haute Cour opte pour une théorie de la causalité adéquate dans son appréciation du lien de causalité (A) et pointe du doigt l’absence de lien de causalité direct entre le fait générateur de responsabilité et le dommage (B).
A/ Une application par la Cour de la théorie de la causalité adéquate
L’article 1240 du Code Civil dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Ce qui va être intéressant ici c’est de voir si la réparation d’un préjudice moral sera acceptée puisque le dommage n’a pas été causé directement par le fait que la victime ait été contaminée par le VIH par transfusion.
Dans certains cas, plusieurs éléments ont concouru à la réalisation d’un dommage, et il va alors falloir déterminer lesquels de ces éléments peuvent constituer une cause juridique propre à fonder une responsabilité.
C’est pourquoi différentes théories s’opposent pour apprécier l’existence du lien de causalité entre le fait générateur et le dommage.
L’appréciation du lien de causalité est un instrument souple entre les mains des juges.
Cette souplesse d’interprétation présente la plupart du temps un avantage pour la victime. Sur le plan pratique, les juridictions retiennent deux théories, elles ne choisissent pas et apprécient au cas par cas.
Il existe donc deux théories afin d’appréhender le lien de causalité en droit civil. Il y a tout d’abord la théorie de l’équivalence des conditions, qui consiste à considérer comme causal tout événement sans que lequel dommage n’aurait pas eu lieu et donc en ce sens tout évènement qui participe à la chaîne causale doit être considéré comme une cause du dommage.
À côté de cette conception large de la causalité, il y a une autre théorie qui est celle de la causalité adéquate. On ne retient que l’évènement qui a directement causé le dommage et c’est ce que rappelle un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Versailles le 30 mars 1989 dans lequel il faut comprendre que la responsabilité civile s’encourt dès que le dommage est lié au fait générateur par une causalité adéquate.
En fait, l’objectif de cette théorie est de faire un tri entre les évènements qui ont concouru à la production du dommage.
C’est ce qu’à fait la Cour de cassation en l’espèce, où elle ne retient pas comme évènement qui a directement causé la contamination de Mme.X et de sa fille le fait pour M.X d’avoir été contaminé par transfusion sanguine. Elle va s’attarder à démontrer que le préjudice moral que prétend avoir subi le mari du fait de la contamination de ses proches n’est pas en lien de causalité direct avec le fait générateur qui est sa contamination par transfusion.
La Cour de cassation exerce en fait un contrôle sur la motivation de la causalité par les juridictions en indiquant que le rapport de causalité doit être certain et direct.
B/ Une absence du lien de causalité direct et certain entre la transfusion et le préjudice moral de la victime
La jurisprudence retient logiquement que pour que le préjudice soit réparable, il doit être la conséquence directe, la suite nécessaire du fait dommageable. Autrement dit, le dommage indirect ou en cascade n’est pas indemnisable. Le fait générateur doit être la cause du dommage.
Le fait générateur de l’espèce est la contamination par le VIH de M.X, hémophile, suite à la transfusion de produits médicaux. Afin d’obtenir indemnisation, le lien de causalité doit être certain et direct. La charge de la preuve lui appartient.
Ce dernier, pourtant indemnisé par le Fonds d’indemnisation des transfusés et hémophiles entre 1994 et 1998, demande la réparation du préjudice moral, préjudice propre qu’il prétend avoir subi du fait de la contamination de son épouse et de sa fille.
En effet, comme le dit la Cour d’Appel de Paris dans son arrêt, il est constant que si ce dernier n’avait pas été contaminé par le VIH, il n’aurait pas pu lui-même contaminer son épouse. Elle considère que la contamination est bien en lien objectif avec le préjudice dont il sollicite réparation.
Cependant, la Cour de cassation vient contrer cette décision et préciser que la contamination de Mme.X et de sa fille a été causée par des relations sexuelles non protégées auxquelles M.X a « sciemment » eu recours.
Le fait générateur qui est en l’espèce la contamination de M.X par transfusion, n’est pas la cause directe du dommage, du préjudice moral de M.X puisqu’il est intervenu.
Les juges examinent en fait la continuité de l’enchainement du lien de causalité. Dès qu’un évènement s’interpose dans l’enchainement les juges considèrent qu’il y a une rupture de causalité et n’acceptent plus que le dommage soit considéré comme un dommage réparable.
En effet, sa femme et sa fille n’ont pas été contaminées par transfusion mais bel et bien par un acte conscient de M.X de ne pas se protéger durant ses rapports sexuels. Le lien de causalité n’est pas direct en l’espèce. En plus, lorsqu’en 2008 l’ONIAM leur avait adressé une offre d’indemnisation de leurs préjudices, ces derniers l’ont partiellement accepté mais en refusant la partie correspondant aux troubles dans leurs condition s d’existence.
Dès
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