Molière Et Balzac
Documents Gratuits : Molière Et Balzac. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires'aimable; et, dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire par cent hommages le cúur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter : tout le beau de la passion est fini et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque nouveau objet ne vient réveiller nos désirs et présenter à notre coeur les charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin, il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne ; et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs, je me sens un coeur à aimer toute la terre; et, comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.
SGANARELLE
Vertu de ma vie! comme vous débitez! Il semble que vous ayez appris cela par cœur, et vous parlez tout comme un livre.
DON JUAN
Qu'as-tu à dire là-dessus ?
SGANARELLE
Ma foi! J'ai à dire..., je ne sais que dire ; car vous tournez les choses d'une manière, qu'il semble que vous avez raison : et cependant il est vrai que vous ne l'avez pas. J'avais les plus belles pensées du monde, et vos discours m'ont brouillé tout cela. Laissez faire ; une autre fois je mettrai mes raisonnements par écrit pour disputer avec vous.
DON JUAN
Tu feras bien.
SGANARELLE
Mais, Monsieur, cela serait-il de la permission que vous m'avez donnée, si je vous disais que je suis tant soit peu scandalisé de la vie que vous menez ?
DON JUAN
Comment! quelle vie est-ce que je mène ?
SGANARELLE
Fort bonne. Mais, par exemple, de vous voir tous les mois vous marier comme vous faites...
DON JUAN
Y a-t-il rien de plus agréable ?
SGANARELLE
Il est vrai, je conçois que cela est fort agréable et fort divertissant, et je m'en accomoderais assez, moi, s'il n'y avait point de mal ; mais, Monsieur, se jouer ainsi d'un mystère sacré, et...
DON JUAN
Va, va, c'est une affaire entre le Ciel et moi, et nous la démêlerons bien ensemble, sans que tu t'en mettes en peine.
SGANARELLE
Ma foi! Monsieur, j'ai toujours ouï dire que c'est une méchante raillerie que de se railler du Ciel, et que les libertins ne font jamais une bonne fin.
DON JUAN
Holà! maître sot, vous savez que je vous ai dit que je n'aime pas les faiseurs de remontrances.
DEUXIÈME EXTRAIT
tiré du Père Goriot
Auteur : Honoré de Balzac, écrivain français né en 1799 et mort en 1850.
Eugène de Rastignac courtise madame Delphine de Nucingen depuis déjà quelque temps.
Aimante et coquette, Mme de Nucingen avait fait passer Rastignac par toutes les angoisses d'une passion véritable en déployant pour lui les ressources de la diplomatie féminine en usage à Paris. Après s'être compromise aux yeux du public pour fixer près d'elle le cousin de Mme de Beauséant, elle hésitait à lui donner réellement les droits dont il paraissait jouir. Depuis un mois elle irritait si bien les sens d'Eugène, qu'elle avait fini par attaquer le cœur. Si, dans les premiers moments de sa liaison, l'étudiant s'était cru le maître, Mme de Nucingen était devenue la plus forte à l'aide de ce manège qui mettait en mouvement chez Eugène tous les sentiments, bons ou mauvais, des deux ou trois hommes qui sont dans un jeune homme de Paris. Était-ce en elle un calcul ? Non ; les femmes sont toujours vraies, même au milieu de leurs plus grandes faussetés, parce qu'elles cèdent à quelque sentiment naturel. Peut-être Delphine, après avoir laissé prendre tout à coup tant d'empire sur elle par ce jeune homme et lui avoir montré trop d'affection, obéissait-elle à un sentiment de dignité, naturel à une Parisienne, au moment même où la passion l'entraîne, d'hésiter dans sa chute, d'éprouver le cúur de celui auquel elle va livrer son avenir! Toutes les espérances de Mme de Nucingen avaient été trahies une première fois, et sa fidélité pour un jeune égoiste venait d'être méconnue. Elle pouvait être défiante à bon droit. Peut-être avait-elle aperçu dans les manières d'Eugène, que son rapide succès avait rendu fat, une sorte de mésestime
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