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Le travail de mémoire dans les films « Lacombe Lucien » (1974) et « Au revoir, les enfants » (1987) de Louis Malle

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Le travail de mémoire dans les films « Lacombe Lucien » (1974) et « Au revoir, les enfants » (1987) de Louis Malle 1. Introduction

L’énumération des films de la main du cinéaste Louis Malle, né le 30 octobre 1932 à Thuméries et mort le 23 novembre 1995, est longue. Parmi ceux-là, deux films qui ont un intérêt particulier pour ce mémoire : ‘Lacombe Lucien’ (1974) et ‘Au revoir, les enfants’ (1987). Ces deux films représentent de manière différente le temps de l’Occupation de la France par l’Allemagne nazie. L’histoire française a longtemps prétendu que tout le peuple français était contre les occupants. La réalité est loin de cette façon d’historiographie. Louis Malle, plus de 30 ans après la Seconde Guerre mondiale, a eu le fort désir de réinventer le passé « à la poursuite d’une vérité à la fois lancinante et intemporelle » (Ewald 2007, 44). ‘Lacombe Lucien’ traite la banalité et la nature du mal, ‘Au revoir, les enfants’ montre une image relativement exacte de la société française et de l’atmosphère en France. Selon Faulstich (2002, 19) un film est comme une sorte de rêve duquel on se réveille dès qu’il est fini. Si on veut considérer le temps de l’Occupation comme un cauchemar, c’est Louis Malle qui essaie de réveiller la population française après avoir passé un long sommeil tranquille. Comme tous les produits littéraires, parmi eux aussi le film, les informations ne sont pas transportées uniquement manifestes mais plutôt latentes, polyvalentes et multidimensionnelles : alors interprétables. Le but de ce mémoire n’est pas uniquement de résumer le contenu des films sur un niveau descriptif mais de faire une analyse de la présentation de l’époque de l’Occupation vue par Louis Malle et sa façon de travail de mémoire des années noires. Le modèle d’analyse de film, selon Faulstich (2002), connait plusieurs niveaux : le déroulement de l’action, l’analyse des personnages, l’analyse de la forme de présentation et finalement

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l’analyse des valeurs morales et des normes sociales : idéologie et message des films. Ces différents points d’accès ne discutent pas différentes parties du film mais plutôt les mêmes objets en utilisant plusieurs lunettes particulières au niveau d’analyse. Ce mémoire essaie de suivre ce modèle en choisissant quelques exemples de ces deux films sans prétendre à pouvoir traiter l’ensemble des informations contenues. L’analyse des personnages se limite à la présentation de Lucien Lacombe parce que celui-ci est essentiel pour mettre au point le message du film ‘Lacombe Lucien’. L’analyse de la forme de présentation ne sera pas traitée séparément mais au fil des autres chapitres. Pour mieux comprendre la situation, une brève présentation du contexte historique sera placée en tête.

2.

Contexte historique

Le contexte historique de ces deux films est celui de la Seconde Guerre mondiale, celui du Régime de Vichy, celui de l’Occupation et de la Résistance de la France des années 1940 à 1944. Le Régime de Vichy a surgi en juin 1940 lors de la défaite militaire de la France contre les forces nationales-socialistes de l’Allemagne. Par suite de cette défaite, la République française s’est effondrée ainsi que les structures sociales, administratives et économiques (cfr. Rousso 2009, 9). Toute la nation étant désespérée, elle laisse éclore une politique qui renonce à la République et à la continuation des combats. Pendant cette courte période de son existence, de juillet 1940 jusqu’en août 1944, le nouveau régime est dépendant de l’autorité allemande qui, d’abord, occupe seulement une partie de la France et puis, après l’invasion de la zone libre le 11 novembre 1942, la France entière (cfr. ibd.). Le maréchal Pétain, le héros de Verdun de la guerre de quatorze-dix-huit, semblait être le choix logique pour diriger une nation en plein désarroi. Sa politique de ‘collaboration’ trouvait un assez large accord aux yeux de la population française qui se fatiguait de la guerre et qui souhaitait

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trouver de la paix et de la dignité (cfr. Sarnecki 2006, 14). Avant tout, elle ne voulait pas perdre son identité nationale. La ‘collaboration’, un terme qui désigne la relation entre l’Allemagne nazie et le gouvernement de Vichy, avait comme but de trouver une entente : Le gouvernement français opère avec l’Allemagne pour sauvegarder une nation française dans une nouvelle Europe sous la direction de l’Allemagne (cfr. ibd.). Deux ans sous le gouvernement de Pétain passés et souffrant de la vie quotidienne avec l’occupation allemande, les Français, qui soutenaient au début le Régime de Vichy, commençaient de plus en plus à s’éloigner des idées politiques de Pétain et de sa mouvance. Le mot ‘collaboration’ connotait petit à petit le sens sinistre auquel nous pensons jusqu’à nos jours. Mais la définition de ceux qui ‘collaboraient’ était difficile et l’est encore. Pour la ‘collaboration’ manifeste, p. ex. dans le cas de la milice, c’était évident, pour d’autres cas, la ‘collaboration’ latente, c’était pénible. Un des points principaux après la libération était de s’arranger avec sa conscience nationale afin de se contempler comme une nation de résistants. Jonathan Fenby (zit. in Sarnecki 2006, 16) écrit : « The mythology of the Liberation needed to believe that, with a few wild exceptions, the French people had been anti-German during the Occupation. » En 1944 Vichy a complètement cédé à soutenir la milice, à fournir de listes de juifs aux Allemands et à agir selon les nazies (cfr. Sarnecki 2006, 16). Après que l’occupation soit arrivée à ses fins, un voile de l’oubli s’est étendu sur la France et le mythe de la résistance française est resté intact pendant vingt-cinq ans. Louis Malle situe ces films-là dans l’année 1944 : ‘Au revoir, les enfants’ en janvier, ‘Lacombe Lucien’ en juin/juillet. Déjà depuis la reprise de Stalingrad par les Russes et la perte de la 6e Armée (2 février 1943) le tournant de la guerre s’est annoncé (cfr. Ewald 2007, 88), la situation militaire pour les Allemands est difficile. Les Alliés avancent, leurs bombardements s’intensifient et « l’espoir de voir débarquer des Alliés en France est clairement exprimé » (ibd., 89) dans le film ‘Au revoir, les enfants’. Un peu plus

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tard, au début de l’été 1944, la situation pour les Allemands est devenue pire. Le débarquement des Alliés a eu lieu le 6 juin 1944 en Normandie et aussi les actions de la résistance se sont multipliées (cfr. ibd.). La libération n’est plus loin. C’est à ce moment que Lucien Lacombe atterrit à ‘l’Hôtel des Grottes’ et rejoint la collaboration.

3.

3.1.

Le déroulement des actions

‘Lacombe Lucien’ (1974)

Juin 1944. Les Alliés débarquent en Normandie. Le paysan Lucien Lacombe, âgé de dix-sept ans, exerce un travail de domestique dans un hospice d’un petit village dans le sud-ouest de la France. Afin de rendre visite à sa mère dans son village natal, Lucien constate que celle-ci vit avec Monsieur Laborit, pendant que son père est prisonnier de guerre en Allemagne et que la ferme familiale a été louée à des inconnus. Lucien offre des lapins à l’instituteur Peyssac et lui demande de faire partie de la résistance. Il se voit repoussé. Retournant en ville, Lucien tombe en panne avec son vélo et étant donné que le couvre-feu est passé, il se fait arrêter devant un hôtel qui sert comme quartier général pour la milice et la Gestapo. Ils le traitent de manière bienveillante et lui offre à boire jusqu’à ce que Lucien commence à raconter la vie de son village. Le lendemain, Monsieur Peyssac, l’instituteur, se voit arrêter et torturer. Lucien est de plus en plus captivé par les collaborateurs sympathiques de l’Hôtel des Grottes : Aubert, un ancien coureur cycliste, Jean-Bernard, un dandy, et Betty, une ancienne actrice. Bientôt il fait partie de leur équipe et reçoit une arme. Jean-Bernard l’emmène chez Albert Horn pour qu’il lui fasse un costume. Albert Horn est un tailleur juif de Paris qui se cache avec sa mère et sa fille France dans ce petit village pour échapper à la police allemande. Pendant qu’il se fait de plus en plus entraîner dans les affaires sinistres de la milice contre la résistance, il courtise France qui, au début, est peu convaincue. Il sort avec elle pour faire partie d’une

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soirée dansante à l’hôtel où elle se voit victime d’insultes antisémites. Puis Lucien devient son amant et s’installe chez les Horn. Pendant que les Alliés gagnent du terrain, la résistance redouble de violence : Jean-Bernard et Betty sont tués. La mère de Lucien qui a reçu des menaces anonymes pousse Lucien à s’enfuir mais Lucien préfère rester où il est, parce qu’il se sent bien. Albert Horn ne supporte plus la présence de Lucien et se livre de son plein gré au collaborateur antisémite et méchant Faure qui le dénonce aux Allemands. Lucien arrive avec un sous-officier allemand

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