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treprise comme étant le chiffre d’affaires (ou profit) actualisé dont il va être la source. Cette

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Philippe Aurier, Yves Evrard, Gilles N’Goala

approche a été particulièrement développée dans le contexte d’une économie de services fondée sur la stabilisation de la relation entre l’entreprise et ses clients sous forme d’abonnements (Life Time Customer Value). La deuxième approche, objet du présent article, consiste à comprendre la valeur d’un produit (service) du point de vue du consommateur, pendant le processus de consommation, c’est-à-dire la valorisation de l’offre par la demande. Compte tenu de la variabilité sémantique du terme « valeur », il est utile de préciser que nous étudions ici la valeur du point de vue des individus et non leurs systèmes de valeurs. L’acquisition d’un avantage compétitif présuppose la création et la distribution régulière d’une valeur supérieure pour les clients (Porter, 1985 ; Day, 1990 ; Slater, 1997). Comprendre ce que représente la valeur d’un objet (produit ou service) pour le client revêt donc une importance théorique et managériale considérable. Or, l’analyse du processus de valorisation, bien qu’ayant toujours suscité l’intérêt des chercheurs (philosophes, économistes, psycho-sociologues...), semble encore insuffisante tant dans l’identification des sources de la valeur que dans leur mesure à des fins de diagnostic (Sinha et Desarbo, 1998). Cette approche est complémentaire de l’orientation « qualité » qui a polarisé l’attention sur l’organisation interne, les produits et les concurrents au détriment d’une orientation « consommateur » qui en est conceptuellement distincte (Zeithaml, 2000) et de l’étude de la satisfaction des consommateurs (Woodruff, 1997 ; Audrain et Evrard, 2001). En particulier, la compréhension des sources de valeur peut permettre d’identifier les composantes de l’offre à développer (aux stades de la conception et de la production) ou à mettre en avant (aux stades de la commercialisation et de la distribution). L’analyse de la valeur du point de vue du consommateur est abordée en marketing selon deux perspectives, globale ou analytique, qui correspondent assez bien à la dichotomie des économistes entre « valeur d’échange » et « valeur d’usage ». La première s’intéresse à la valeur globale d’un produit et s’inscrit dans la perspective de l’échange (customer value). Elle résulte d’une confrontation entre les bénéfices et les sacrifices associés à la consommation. Elle est définie comme « l’évaluation globale de l’utilité d’un produit fondée sur les perceptions de ce qui est reçu et donné » (Zeithaml, 1988) ou comme « le rapport entre les bénéfices et les sacrifices perçus »

(Monroe et Krishnan, 1985). La seconde s’intéresse à la valeur de consommation (consumer value) et se situe donc dans le champ des expériences de consommation ou de possession (Aurier, Evrard et N’Goala, 1998). Holbrook et Corfman (1985) la définissent comme « une préférence relative (comparative, personnelle, situationnelle), caractérisant l’expérience d’un individu en interaction avec un objet ». Cette perspective, relativiste et interactionniste, s’inscrit bien dans le débat sur l’objectivité ou la subjectivité de la valeur qui a opposé le point de vue « absolutiste » (Platon) pour lequel la valeur est dans l’objet, au point de vue « relativiste » (Aristote) pour lequel la valeur est dans l’individu qui valorise. Elle a conduit à identifier les composantes de la valeur, grandes familles de bénéfices issus des expériences de consommation, en fonction de leurs significations pour le consommateur : instrumentales, affectives, symboliques, sociales... En raison de sa complexité conceptuelle, cette deuxième approche n’a donné lieu jusqu’à présent qu’à peu d’applications empiriques et de développements d’instruments de mesure. Elle s’est d’autre part surtout intéressée à classer les sources de la valeur perçue sans vraiment s’interroger sur leur intégration au sein d’un jugement global. Or, un intérêt managérial essentiel du concept de valeur réside dans l’identification de ses composantes, puis la mesure de leur contribution à la valeur globale perçue. L’objectif de cet article vise donc à combler, au moins partiellement, ces limites. À travers une revue de littérature, nous présenterons les travaux réalisés dans le domaine de la valeur et des significations de la consommation du point de vue du consommateur. Dans un deuxième temps, nous opérerons une tentative d’intégration de ces approches et proposerons un modèle reliant valeur de consommation et valeur globale définie en termes d’arbitrage bénéfices/coûts. Dans un troisième temps, nous développerons la mesure des composantes de la valeur de consommation et testerons un modèle de leur intégration en un jugement de valeur globale perçue, dans une application à la consommation de cinéma en salle.

Comprendre et mesurer la valeur du point de vue du consommateur

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VALEUR ET SIGNIFICATION DES CONSOMMATIONS DANS LA LITTÉRATURE MARKETING

Après l’émergence de l’analyse des aspects hédoniques de la consommation consécutive à l’article séminal de Hirschmann et Holbrook (1982), les premiers travaux visant une compréhension multidimensionnelle de la valeur de consommation (parfois qualifiée d’« attitude » par le premier de ces auteurs) retenaient deux dimensions, « utilitaire » et « hédonique » (Batra et Ahtola, 1991 ; Crowley et alii, 1991 ; Babin et alii, 1994). Il s’agissait alors de montrer que la consommation n’est pas seulement un moyen au service de fins qui lui sont extérieures (finalité extrinsèque) mais peut être aussi une fin en elle-même (finalité intrinsèque). Cette vision élargie des motivations de la consommation constitue en fait une redécouverte de la théorie subjective de la valeur dont Condillac et Turgot furent les précurseurs à la fin du dix-huitième siècle (Goux, 2000). Cette valeur, dite « estimative », était déjà vue comme résultant du rapport de l’individu à l’objet et non simplement objective, absolue, résultant des seules quantités de matières premières, de travail et de capital incorporées dans l’objet, comme l’ont développé Ricardo puis Marx. Cette école « française » intégrait donc déjà les aspects hédoniques dans la définition de l’utilité « du point de vue du consommateur ». On peut penser que, en raison d’une dérive sémantique liée au développement de la démarche néo-classique, l’utilité s’est vue progressivement limitée à des aspects strictement instrumentaux et « utilitaires ». Cette réduction de sens a pu être facilitée par l’usage du mot « utilité » induisant une connotation moralisante ; cette terminologie, due à Walras, l’a emporté sur d’autres dénominations qui auraient peut-être mieux exprimé le caractère multidimensionnel du concept, telles que « désirabilité » (Charles Gide) ou « ophélimité » (Pareto). Au-delà de ces premières approches dichotomiques, qui mettent en évidence l’importance du critère « extrinsèque/intrinsèque », des recherches ultérieures ont donné lieu à une représentation plus riche des composantes de la valeur de consommation. Certaines adoptent une démarche contingente visant à identifier les bénéfices liés à une catégorie spécifique de consommation : Bergadaà et Nyeck (1995),

Lacher et Mizierski (1999) ou Bouder-Pailler (1997) dans le domaine culturel, Ulaga et Chacour (2001) dans le domaine industriel. D’autres ont une visée plus générale consistant à établir une liste ou une typologie structurée de composantes pouvant être généralisée à un ensemble de catégories de produits. Dans cette deuxième optique, nous avons identifié puis comparé cinq approches qui ont été proposées pour comprendre la signification de la valeur associée aux consommations et aux possessions. Deux d’entre elles sont essentiellement conceptuelles (Holbrook, 1994 ; Lai, 1995) et les trois autres ont fait l’objet d’applications empiriques (Richins, 1994 ; Holt, 1995 ; Evrard et Aurier, 1996). Nous les présenterons successivement avant de tenter de les rapprocher au sein d’un cadre conceptuel commun.

Approche de Holbrook (1994) Holbrook (1994) retient trois critères dichotomiques pour différencier les types de jugement de valeur (Tableau 1). Tout d’abord, la valeur peut être extrinsèque (le produit est un moyen pour atteindre des fins qui lui sont extérieures) ou intrinsèque (l’expérience de consommation associée au produit est appréciée en tant que telle). Ensuite, les préférences peuvent être orientées vers soi (fonction de l’intérêt personnel) ou orientées vers les autres (famille, amis, collègues, société, divinité...). Enfin, la valeur peut différer selon que le consommateur manipule physiquement ou mentalement l’objet (il est actif) ou, au contraire, qu’il y répond passivement (il est réactif). La combinaison de ces trois critères conduit l’auteur à délimiter huit domaines de compréhension de la valeur (Tableau 1) qui ont fait l’objet de discussions approfondies par différents auteurs, en particulier dans l’ouvrage coordonné par Holbrook (1999).

Approche de Holt (1995) Sans aborder expressément la valeur, Holt (1995) a proposé une classification des significations liées aux pratiques de consommation. Sur

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