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Liberte

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irait-il pas, pour fonder un ordre juste, de donner le pouvoir à une petite élite de sages? L'aristocratie platonicienne n'est-elle pas la réponse à l'aporie que soulève ce texte?

c) Plusieurs pistes s'ouvrent ainsi devant moi pour traiter le problème. Soit, je conteste à Kant l'idée que la hiérarchie est nécessaire à l'existence d'une société en reprenant le fil du projet politique de la démocratie de l'antiquité grecque au monde moderne où les mouvements pour l'autogestion dans le monde du travail aussi bien que ceux pour l'institution d'une démocratie directe dans les conseils révolutionnaires traduisent une aspiration à fonder une vie collective sans chefs.

Je pouvais enfin apporter un éclairage psychologique différent du texte sur la question de la nécessité de l'existence de maîtres. N'existent -t-il pas des motivations psychologiques plus profondes encore que ne soupçonnent pas le texte et qui font que ce sont les hommes eux-mêmes qui réclament des maîtres. Pensez ici au discours du grand inquisiteur de Dostoïevski qui prétend que ce que les hommes réclament ce n'est pas la liberté mais un maître qui leur apportera aussi bien de quoi remplir leur estomac qu'un sens à leur existence. D’une certaine façon, cet éclairage psychologique ne semble faire qu'aggraver la difficulté en montrant que la nécessité qu'existent des maîtres est ancrée plus profondément encore dans la psychologie humaine que ce que le texte laissait à penser...

1)La nécessité de maîtres pour fonder la société

a) l'institution de la société.

Le texte le précise d'emblée: la nécessité pour les hommes d'avoir des maîtres s'impose dès lors qu'ils vivent en société. Or, il était déjà important de relever que des hommes ne peuvent vivre autrement qu'en société ce qui rendra l'existence de maîtres absolument nécessaire et nous oblige à renoncer à un idéal inspiré de thèmes rousseauistes sur l'indépendance de l'homme dans un hypothétique état de nature. Si l'homme est un être social en un sens qui lui est propre c'est parce que tel que la nature l'a fait, il est tout simplement un être radicalement inapte à la vie. Vous le montrez à deux niveaux et à un niveau psychologique: domination du plaisir représentatif sur le plaisir d’organe qui fait que spontanément la psyché aura tendance à se construire un univers de phantasmes/illusions ne tenant aucun compte du réel+ défonctionnalisation de la vie psychique relativement au substrat biologique.La déficience sur le plan biologique est compensée par un hyper développement de l'activité psychique qui, pour ne pas devenir délirante, doit bénéficier des institutions de la société (ici, en particulier, l'institution de la loi); celles-ci introduisent la psyché humaine dans un monde commun, partagé par tous.

b)la nécessité de maîtres

Lorsqu'il est question de "maîtres" il faut toujours se demander en quel sens on prend le terme car il peut signifier deux choses très différentes; la langue latine avait ainsi deux mots distincts pour éviter la confusion: le maître au sens du "magister", celui qui est maître d'un savoir/savoir-faire. Le dominus, celui qui domine d'autres hommes. Ici, c'est ce dernier sens que le texte prend en compte: le maître dont parle Kant est celui qui doit forcer les hommes à se plier à l'autorité des lois ce qui implique que sa fonction est d'abord d'exercer un pouvoir sur les hommes aux moyens d'instruments de coercition( forces de l'ordre, tribunaux, prisons). La question à poser est de savoir d'où vient la nécessité de leur existence? Pourquoi les hommes ont-ils besoin de se soumettre à des maîtres pour vivre en société? L’homme, nous dit le texte, est un animal raisonnable, ce qui veut dire que sa nature est double. En tant que doué de raison, il reconnaît la nécessité d’instituer et de se plier à des lois qui rendent possible la coexistence des hommes en limitant la liberté de chacun. Mais, en tant qu’il est « animal », l’égoïsme constitue un autre aspect de sa nature, égoïsme qui fait qu’il sera enclin à se soustraire aux lois et à abuser de sa liberté aux détriments des autres. En tant qu’animal, il n’est donc pas spontanément enclin à se soumettre à l’autorité des lois dont il reconnaît pourtant, en tant que raisonnable, la nécessité; il est donc nécessaire que quelqu’un dispose dans la société du pouvoir de le contraindre à respecter les lois; cette « volonté universellement valable » à laquelle il doit se plier est à opposer aux volontés particulières mues par des motifs égoïstes. La volonté du maître à laquelle il doit se plier doit être « universellement valable » ce qui veut dire que la fonction du maître est, essentiellement, de faire respecter le droit et que l’appareil répressif dont il dispose pour obtenir cette obéissance (police, tribunaux, prisons) doit être avant tout mis au service de l’application d’une loi qui est la même pour tous, ce qui veut dire aussi, que le maître devrait être tout autant soumis à la loi qu'il est chargé de faire respecter que les gouvernés; on voit tout de suite ce qu'il y a desuspect ici et annonce ce que la deuxième partie développera: un homme chargé de faire appliquer la loi sera-t-il assez sage pour se l'appliquer à lui-même de la même façon?

Il ne pourrait donc exister de société qui ne soit structurée de façon hiérarchique, c’est-à-dire, qui ne repose sur une séparation stricte entre gouvernants et gouvernés, dirigeants et dirigés. Mais cette société sera-t-elle pour autant juste? Non et si nous lisons bien le texte on peut même dire qu’il est impossible qu’aucune société humaine ne puisse jamais parvenir à être véritablement juste. C’est la seconde partie du texte qui va en développer la raison.

2) Le caractère nécessairement injuste des maîtres

a)La régression à l'infini

Il faut des gouvernants, soit; mais ces gouvernants sont d’abord et avant tout des hommes et comme tels ce sont des êtres animés par le même égoïsme que les gouvernés ce qui veut dire qu’il viendra fatalement un moment où ils seront tentés d’abuser de leur position dominante dans la société pour se soustraire à l’autorité des lois."La justice publique" qu'il est impossible d'établir viserait l'institution d'une loi qui s'applique à tous, gouvernants et gouvernés confondus, de la même façon. Il ressort du texte de Kant un pessimisme anthropologique qui nous conduit à dire que les maîtres, parce qu’ils sont d’abord et avant tout des hommes, abuseront toujours du pouvoir dont-ils disposent. Ces maîtres auraient donc à leur tour besoin de maîtres qui limitent leur pouvoir et ainsi de suite à l’infini; en voulant instituer un ordre juste nous sommes ainsi conduits dans une régression à l’infini dont il n’est possible de sortir qu’à la condition de renoncer à l'espoir de voir se réaliser une véritable "justice publique"..

b) Universalité du problème

Et le problème restera le même quelque soit la forme du régime politique que nous considérons; que nous confions le pouvoir à un seul; le texte fait ici clairement référence à la monarchie,« qu'il le cherche dans une personne unique » (mono=un seul, arkhè=commandement/commencement). la création d’emplois fictifs etc, les politiques conduites pour favoriser les intérêts particuliers de sa classe sociale etc. Ainsi, quelque soit la forme du régime politique envisagée, le maître chargé de faire respecter le droit aura toujours tendance à le transgresser pour lui-même et pour ceux de la clique à laquelle il appartient. On ne voit dès lors plus comment il serait possible d'éviter, dans quelque société que ce soit, les abus du pouvoir et les injustices qui en découlent.

3) Aristocratie ou démocratie

Comme indiqué en introduction, il y avait au moins deux pistes pour tenter de sortir de l’aporie dans laquelle le texte de Kant semble nous conduire. On pouvait aussi mettre l'accent sur la dimension psychologique du problème. Reprenons ces choses dans l'ordre.

a)L’aristocratie platonicienne

Il était inexcusable de ne pas voir que la philosophie politique que fonde Platon pouvait être comprise comme une tentative pour nous sortir de l’aporie. Il fallait que je développe ici le sens de l'aristocratie platonicienne en montrant comment elle prétend fonder l'ordre juste aussi bien sur le plan individuel des facultés psychiques (raison/thumos/désirs) que sur le plan social (les sages gouvernent avec l'aide d'un appareil de coercition la grande masse du peuple ignorante et mue essentiellement par l'appétit du ventre).

Mais la solution platonicienne pour sortir de l'aporie a un prix élevé: c'est le renoncement complet à toute forme de vie démocratique.

b)L’héritage de la démocratie

Cet héritage porte en lui une remise en question radicale de la thèse de Kant suivant laquelle il ne pourrait y avoir d’organisation sociale autrement que hiérarchisée.

Le

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