Droit Des Contrats
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REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ
3-2008
This trend does not always contribute to the quality of the debate, as it is often ideologically polarized between “right wing” arguments, pleading in favour of marketoriented polices, and “left wing” arguments in support of consumers’ rights, both proposing solutions inspired by so-called common sentiment. This is mainly due to the absence of any reference to a clearly outlined theoretical framework, and to the fact that the reflections of contemporary political philosophy are largely ignored in the current debate. An examination of the various contemporary conceptions of justice is the only possible route to identifying a European social model, on the basis of which to set rules for contracts, as well as to provide the legal discourse on European contract law with a solid, rationally viable theoretical framework. For this reason, this paper aims at expounding the distributive options proposed by the main schools of thought in political philosophy.
INTRODUCTION Dans la tradition continentale de droit civil, la théorisation du droit des contrats repose sur deux approches principales : la première, de nature dogmatique, est axée sur les catégories et les concepts à partir desquels se définit le rapport dialectique entre intérêt individuel et intérêt collectif (ce qui correspond essentiellement à l’idée de la «fonction économique et sociale» du contrat)1 ; la seconde, de type axiologique, repose sur l’étude, au sein du contrat, du rapport entre liberté et justice, et sur la façon de concilier liberté contractuelle et répartition équitable des ressources dans l’échange2. Dans le cadre de l’espace juridique européen, il est désormais évident pour les juristes de droit civil que la première de ces approches n’est pas adaptée: la méthode logico-systématique traditionnelle, caractérisée par des réflexions menées uniquement dans le cadre des structures théoriques des différents systèmes nationaux3, ne permet pas de créer les conditions propres à un dialogue supranational. Ceci explique le déplacement du débat juridique sur le terrain des valeurs et, plus spécifiquement dans le cadre de la réflexion relative au statut épistémologique d’un droit européen des contrats, l’ascension irrésistible du débat relatif à la justice contractuelle.
1 E. BETTI, Teoria generale del negozio giuridico, Turin, 1950. Au sujet de l’absence en droit européen de la notion de cause, v. M. BUSSANI, Libertà contrattuale e diritto europeo, Turin, 2005. 2 A. DI MAJO, « Libertà contrattuale e dintorni », in Rivista critica di diritto privato, 1995, p. 6. 3 La dogmatique juridique est une forme de pensée spécifique à la science juridique de la partie de l’Europe continentale où le droit romain commun a été en vigueur, alors qu’elle est inconnue de la tradition juridique de common law. Sur ce point, v. L. MENGONI, Ermeneutica e dogmatica giuridica, Milan, 1996, p. 27.
G. SMORTO : LA JUSTICE CONTRACTUELLE
Le débat relatif à la justice dans le droit des contrats a été traditionnellement centré sur les règles propres à la formation du contrat (« qui dit contractuel dit juste »), et a obéi à un raisonnement en apparence technique et neutre du point de vue de la justice distributive. Aujourd’hui toutefois, ce débat peut contribuer à mettre en lumière l’incontournable dimension distributive des règles et se révéler être un instrument utile permettant de déterminer les solutions juridiques et d’organisation appelées par la complexité sociale d’un droit privé de dimension transnationale. Cependant, le cadre axiologique du débat, marqué par l’intérêt porté à la notion de justice dans l’échange, ne permet pas toujours de maintenir ce débat en question dans des limites rationnelles. Dans cette hypothèse, le remède devient pire que le mal. Les carences de l’analyse traditionnelle génèrent en effet des réflexions qui, détachées des structures dogmatiques des droits privés nationaux et à la fois sans références conceptuelles classiques, obéissent à une politique juridique justifiable uniquement de jure condendo. Le résultat, dénoncé de maintes parts, est une sorte de dialogue de sourds qui débouche sur une polarisation idéologique stérile du débat entre politiques « de droite », d’empreinte mercantile, et politiques de « gauche » prônant un droit privé social4. C’est sur ce terrain que se situe le débat relatif à la justice contractuelle. Nous examinerons dans la première partie de cet article les différentes acceptions de la notion de « justice contractuelle » dans le cadre du débat européen actuel sur le droit des contrats. Comme nous le verrons, chaque acception est propre à des questions différentes, au moins partiellement, et renvoie à des hypothèses et à des problèmes dont les différences sont masquées par une identité terminologique. L’analyse juridique doit toutefois distinguer ces différentes significations, trop souvent superposées. Une fois précisées les différentes significations que peut revêtir l’expression « justice contractuelle » dans le débat contemporain, nous nous concentrerons, dans la seconde partie, sur la dimension de la justice contractuelle la plus pertinente dans notre optique. Il s’agit de la justice distributive et des impacts des différentes traditions de la philosophie politique contemporaine sur la définition de la justice dans le contrat. Nous y inclurons l’utilitarisme, c’est-à-dire les critères d’efficacité économique. La démarche consistant à définir la notion de justice contractuelle sur la base des différentes théories de la justice peut sembler excessivement théorique aux yeux du praticien se souciant exclusivement des règles opérationnelles. Nous pensons le contraire. En effet, de la même façon que
4 V. dernièrement M. W. HESSELINK, « La dimensione politica di un codice civile europeo », in Rivista critica di diritto privato, 2006, p. 379 ; U. MATTEI, «Il nuovo diritto europeo dei contratti, tra efficienza ed eguaglianza. Regole dispositive, inderogabili e coercitive», in Rivista critica di diritto privato, 1999, spec. p. 630 et s.
REVUE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARÉ
3-2008
la théorie classique du contrat est le résultat d’une vision du marché liée à l’idéologie du « laisser-faire », qui constitue le socle d’un ensemble de règles traduisant dans la pratique les principes en question, l’analyse proposée ici cherche à identifier un ensemble de valeurs communes pouvant inspirer la régulation des rapports entre particuliers dans le cadre du droit privé européen. Le renvoi aux théories contemporaines de la justice n’a pas vocation à élaborer une notion de justice contractuelle in vitro, détachée du cadre politique et culturel européen, mais, au contraire, vise à déterminer s’il existe un modèle social européen5 pouvant servir de fondement aux règles gouvernant le contrat. I. QU’ENTEND-ON PAR JUSTICE CONTRACTUELLE ? Dans les écrits actuels, le terme « justice » présente une forte ambiguïté. Nous pouvons relever au moins quatre significations différentes de la notion de justice (contractuelle): a) la justice en tant qu’égalité dans l’échange ; b) la justice comme sauvegarde de l’équivalence subjective des prestations en cas de changement de circonstances ; c) la justice comme vecteur de valeurs ; d) la justice distributive. Nous incluons les critères d’efficacité dans cette dernière catégorie. Cette incorporation peut sembler étrange du point de vue du lexique de la doctrine civiliste actuelle, opposant généralement justice à efficacité6. En réalité, les notions de justice distributive et d’efficacité se situent à des niveaux identiques. L’efficacité de la répartition des ressources constitue, dans l’analyse économique du droit, l’objectif ultime du système juridique. L’utilitarisme, dont la théorie de law and economics est l’expression, est une théorie de la justice, voire la théorie de la justice en réponse à laquelle les autres théories de la justice ont élaboré leurs propres positions7. En outre, la correction des échecs du marché n’est autre que la réponse en termes de justice contractuelle d’une certaine version de l’utilitarisme. Ainsi, si nous croyons qu’un système (ou
5 La Résolution du Parlement européen sur le droit européen des contrats et la révision de l’acquis: la voie à suivre (2005/2022 (INI)) souligne, au point 8, l’importance de tenir compte du modèle social européen lors de l’harmonisation du droit des contrats (c’est nous qui soulignons). Pour une première reconnaissance de l’idéologie de l’État providence au sujet du droit européen des contrats, v. R. BROWNSWORD, G. HOWELLS, T. WILHELMSSON (eds.), Welfarism in Contract Law, Dartmouth, 1994 ; T. WILHELMSSON, « Welfarism in European Contract Law », 10 European Law Journal, 712 (2004). 6 Bien entendu, cette opposition disparaît dans la doctrine « normative law and economics », en vertu de laquelle une norme est souhaitable, et donc juste, si elle contribue à augmenter le bienêtre social. Dans cette hypothèse, le caractère souhaitable d’une norme repose sur l’existence, dans toute société, d’un système de taxation des revenus et de transferts aptes à corriger les éventuels effets distributifs non souhaitables (c’est-à-dire injustes) d’une norme juridique efficace.
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