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Science Politique

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victoire spectaculaire pour le camp des «colombes», mais ce n’est évidemment qu’une victoire provisoire. On peut

(*) Ancien diplomate, ancien ambassadeur de France en Hongrie et en Iran. (1) National Intelligence Council, National Intelligence Estimate. Iran : Nuclear Intentions and Capabilities, nov. 2007, 9 p.

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s’attendre à une compétition de plus en plus âpre entre les deux parties, marquée d’autres surprises, pour prendre l’ascendant sur les choix du Président américain dans les derniers mois de son mandat. Le jeu reste donc très ouvert en ce début d’année 2008. Que la tension entre les Etats-Unis et l’Iran s’apaise ou que la crise actuelle débouche au contraire sur une épreuve de force, l’année 2008 marquera en tout cas un passage de seuil dans la relation entre les deux pays. Et, en 2009, nous aurons à la fois un nouveau Président des Etats-Unis et soit encore Ahmadinejad, soit un nouveau Président de la République iranienne ou même encore, qui sait, une nouvelle République en Iran. Le dossier iraquien, où qu’il en soit, en sera à un point très différent d’aujourd’hui. Les cartes auront donc été amplement rebattues. Coups et humiliations de part et d’autre Il est d’usage, lorsqu’on traite de la relation contemporaine entre les Etats-Unis et l’Iran, de prendre comme point de départ la prise d’otages de l’ambassade américaine (2) en novembre 1979. L’épisode, qui dure 444 jours, est d’une longueur inhabituelle. De plus, il est marqué à mi-parcours par une tentative avortée de libération par la force des otages. Prise prolongée de 52 otages et fiasco de Tabas combinés forment encore aujourd’hui, dans l’esprit des Américains, l’une des plus grandes humiliations de leur histoire, aux côtés de Pearl Harbor, de l’évacuation de Saïgon et du 11 septembre. Encore les Etats-Unis n’ont-ils pu en sortir que par la négociation, une négociation elle-même humiliante et marquée d’un jeu parallèle fort trouble pour retenir les otages jusqu’au jour de l’inauguration du Président Reagan. Il n’y a donc pas eu de riposte libératrice, comme avec le Japon ou à la suite du 11 septembre avec l’intervention en Afghanistan, puis en Iraq. Tout juste un accord, l’Accord d’Alger de 1981, évidemment négocié sous la contrainte, imparfaitement appliqué dans ses clauses financières et aujourd’hui oublié du côté américain, notamment dans sa clause de renonciation à intervenir dans les affaires intérieures de l’Iran. Il y a encore aujourd’hui des condamnations de l’Etat iranien par des tribunaux américains, saisis par les victimes ou leurs ayants droit, mais elles restent sans suite. Leur effet ne dépasse donc pas le niveau symbolique. Enfin, s’il était besoin d’en rajouter, force est d’évoquer l’attentat-suicide mené contre les Marines à Beyrouth, le 23 octobre 1983, faisant en une seule explosion 241 morts : l’un des pires épisodes de l’histoire militaire des Etats-Unis. Or, les Pasdaran n’ont jamais sérieusement dissimulé qu’ils

(2) Pour la montée des événements conduisant à l’invasion de l’ambassade américaine, cf. Michael Ledeen, Debacle, the American Failure in Iran, Alfred A. Knopf, New York 1981, 243 p. Cf. aussi James A. Bill, The Eagle and the Lion : the Tragedy of American-Iranian Relations, Yale University Press, 1989.

les relations iran-etats-unis

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étaient, jusque dans le détail, les concepteurs et les organisateurs de l’opération. En sens inverse, on peut aussi rappeler, bien qu’elle n’ait manifestement pas le caractère d’un geste volontaire, la destruction, en juillet 1988, d’un avion Airbus d’Iran Air, transportant 290 civils, par le navire de guerre américain USS Vincennes. Elle «casse» le moral des Iraniens et contribue à l’acceptation, quinze jours plus tard, d’un armistice avec l’Iraq. Cet armistice sans vainqueur ni vaincu, mais qui laisse les deux pays épuisés, met fin à une guerre déclenchée par Saddam Hussein huit ans plus tôt, avec le soutien et peut-être même à l’instigation des Américains (3). Cependant, le fait générateur de ce cycle de tensions à l’échelle d’une génération est à rechercher plus loin encore, une génération avant, dans la main prêtée par l’Amérique à la Grande-Bretagne pour provoquer la chute de Mossadegh (4). Dans les deux ans suivant l’abolition, en mai 1951, de la concession de l’Anglo-Iranian Oil Company, les Anglais font des pieds et des mains pour mettre l’Iran à genoux, sans résultat. Il leur faut attendre l’arrivée d’Eisenhower à la présidence, début 1953, pour obtenir le soutien des Etats-Unis. Jusque-là les Américains, conduits par Truman, restaient fidèles à leur ligne anticolonialiste. L’Opération Ajax, arrêtée en avril 1953, aboutit, au mois d’août, à l’élimination de Mossadegh. Pour la quasi-totalité des Iraniens, l’humiliation et la désillusion envers l’Amérique sont immenses. Et la montée en puissance de la présence américaine en Iran dans toute la période qui va jusqu’à la chute du Shah – il y aura alors 45 000 Américains dans le pays – ne sera jamais vraiment acceptée par la population (5). Les occasions ratées Humiliation pour humiliation, de 1979 à ce jour, la relation irano-américaine entre dans un long tunnel de crise. On n’aperçoit guère jusqu’à ce jour que deux moments de coopération pragmatique : l’un, caché, touchant à des livraisons d’armes autour de 1985 pendant la guerre Iraq-Iran et qui ne sera découvert qu’avec l’éruption de l’affaire «Iran-Contra»; l’autre à l’épo(3) En juillet 1980, Zbigniew Brzezinski, secrétaire du Conseil national de sécurité, rencontre Saddam Hussein en Jordanie, par l’entremise du roi Hussein, pour parler de l’Iran. Pourtant, le régime iraquien figure depuis l’année précédente sur la liste américaine des Etats soutenant le terrorisme. En septembre, les troupes iraquiennes pénètrent massivement en territoire iranien. En 1982, les Etats-Unis rayent l’Iraq de leur liste, pour lui donner accès aux équipements militaires américains. En 1984, les relations diplomatiques sont renouées. (4) Cf. le premier livre écrit après l’ouverture des archives gouvernementales américaines : Stephen Kinzer, All the Shah’s Men. An American Coup and the Roots of Middle East Terror, John Wiley and sons, Hoboken, 2003, 258 p. (5) L’accord Iran-Etats-Unis de 1963, qui va de pair avec la «Révolution blanche» du Shah, donne aux assistants militaires américains un statut de type diplomatique, qui provoque l’indignation de Khomeyni. La présence américaine focalise les oppositions de gauche, tiers-mondiste, nationaliste, mais aussi islamiste. Leur convergence fera le succès de la révolution de 1979.

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que de la prise de contrôle de l’Afghanistan par la coalition conduite par les Américains et lorsque se mettent en place à la Conférence de Bonn les nouvelles institutions du pays – l’Iran, à ce moment-là, donne clairement un coup de main aux Etats-Unis, tant sur le terrain qu’à la table de conférence. Il n’en sera guère récompensé. Quant à l’ouverture du Président Clinton et de Madeleine Albright en 1998, demeurée sans fruit et sans lendemain, elle peut être citée comme un essai de rapprochement, non comme un rapprochement proprement dit. Seuls y ont gagné les exportateurs iraniens de tapis et de pistaches, grâce à la levée de l’embargo américain sur leurs produits. Autre tentative sans lendemain : en 2003, à la suite de l’éphémère victoire des Etats-Unis en Iraq, le régime iranien, craignant sans doute pour luimême, fait, par l’intermédiaire de l’ambassade de Suisse à Téhéran, une offre appuyée de négociation sur tous les grands sujets. Le geste n’est pas pris au sérieux à la Maison-Blanche, qui, euphorisée par son succès, ne prête plus à la République islamique que des jours comptés. L’offre n’a donc jamais reçu de réponse. Enfin, sur le plan affectif en quelque sorte, on peut citer la sympathie spontanément manifestée à l’Amérique par le peuple iranien et même par ses dirigeants les plus libéraux, à la suite des attentats du 11 septembre. En sens inverse, il convient de rappeler l’aide américaine adressée à l’Iran, qui l’a acceptée, à la suite du tremblement de terre de Bam du 26 décembre 2003 ayant anéanti la ville et tué 30 000 personnes. Toutefois, l’émotion passée, tout redevient comme avant. Restent, en ce moment même, les prises de contact nouées à Bagdad, sur l’insistance du gouvernement iraquien, pour traiter de la situation locale. Elles ne semblent pas avoir encore débouché sur un climat de confiance, même si le côté américain a un moment relevé avec satisfaction une baisse du niveau d’ingérence des Pasdaran dans les attentats conduits contre les troupes de la coalition et les forces gouvernementales. La pauvreté des relations On est donc toujours dans une sorte de «guerre froide» et de «guerre de l’ombre» entre les deux pays, qui s’exprime sur tous les terrains : diplomatique, économique, stratégique et même culturel, sans oublier le nucléaire. Dans le domaine diplomatique, rappelons que l’Iran et les Etats-Unis n’ont plus de relations diplomatiques depuis 1979 : des deux côtés, les ambassades sont fermées. L’ambassade des Etats-Unis à Téhéran a été transformée par le régime en musée

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