Méthode qualitative ou quantitative
Dissertation : Méthode qualitative ou quantitative. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Antoine Millardet • 21 Octobre 2017 • Dissertation • 3 380 Mots (14 Pages) • 1 229 Vues
EXPOSÉ : LA DISTINCTION QUANTITATIF/QUALITATIF EST ELLE PERTINENTE?
INTRODUCTION :
« Dès leurs origines, les études qualitatives ont postulé l'existence d'un inconscient peu accessible, sauf à travers les lapsus, les contradictions, les rêveries, les actes manqués. Au début du qualitatif, la méthode se réduisait à faire parler les consommateurs, en espérant déceler dans leurs propos des éléments pouvant comprendre leurs motivations. […] Aujourd'hui, l'existence de processus inconscients déterminant largement nos sentiments et nos croyances, nos attitudes et nos comportements, est largement reconnue en sciences comme dans les milieux du marketing et de la communication. » écrit Georges Guelfand, expert reconnu des études qualitatives, dans Propos sur les études qualitatives. Ici, l'auteur souligne non seulement une évolution de la méthode de l'étude qualitative dans le temps (aujourd'hui reconnue comme une science réelle), mais il définit aussi le principe de l'étude qualitative qui consiste à interroger les individus de telle sorte que par leurs émotions et leur affect, ils manifestent ce qu'ils pensent véritablement sur un sujet donné.
Néanmoins on ne peut aujourd'hui évoquer l'idée d'une seule méthode sociologique mais plutôt d'une multiplicité de ces méthodes : on parle d'holisme*, d'interactionnisme*, d'individualisme méthodologique*. Faut il s'intéresser à la société pour arriver à en extraire un concept, une théorie générale, ou bien faut il partir de cette théorie et la vérifier sur le terrain ?
Ainsi on observe depuis les débuts de la sociologie une véritable distinction entre les études qualitatives et quantitatives, à savoir quelle serait la méthode la plus efficace afin de tirer l'essence même de ce que les médias appellent grossièrement « l'opinion publique ». Tout en sachant qu'une étude quantitative se caractérise non pas par la « qualité » des réponses reçues lors des entretiens mais par le nombre de personnes participant à l'étude en question.
Par ailleurs un problème s'institutionnalise depuis quelques années, savoir si la distinction entre les études qualitatives et les études quantitatives est bel et bien pertinente. En effet si l'on s'attache à la question, il est clair que ces deux méthodes, qui paraissent pourtant totalement contradictoires, peuvent présenter certains points communs et, pour aller plus loin, peuvent vraisemblablement s'accorder sur des résultats plus ou moins similaires. Il s'agirait donc de sortir de cette opposition qualitatif/quantitatif conservatrice sclérosant les esprits afin de mener la meilleure des enquêtes possibles associant à la fois quantité et qualité.
En quoi peut on affirmer que l'opposition si souvent mise en avant entre études qualitatives et quantitatives se trouve être biaisée malgré l'illusoire évidence de la distinction de ces deux méthodes ?
Si la distinction qualitatif/quantitatif présente en effet des éléments permettant de relever une contradiction véritable, il s'agit de nuancer la pertinence de cette distinction qui se trouve être limitée par certains aspects.
I- La distinction quantitatif/qualitatif est par nature une opposition pertinente qui trouve les objets de sa contradiction dans la définition même de ces deux types d'études
La pertinence de la distinction entre qualitatif et quantitatif tient pour plusieurs raisons d'ordres méthodologique, historique et naturel. En d'autres termes, cette opposition nous paraît être, encore aujourd'hui, une évidence : savoir si l'on doit choisir entre la quantité ou la qualité, en terme de gastronomie par exemple. Il s'agit ainsi de comprendre comment cette controverse opposant quantitatif et qualitatif s'est instituée dans les esprits, d'un point de vue sociologique, tout d'abord en retraçant son parcours historique, puis en analysant les critiques lancées de part et d'autre des deux camps vis à vis de l'étude adverse.
A – Une construction historique de ces deux études qui tend à exacerber leur distinction
Si Simon Laflamme dans son article Analyses qualitatives et quantitatives : deux visions, une même science publié en 2007, soutient qu'études quantitatives et qualitatives tendent à se rejoindre sur certains aspects, il rappelle tout de même au commencement de son propos « que ces deux modes analytiques se sont souvent constitués en opposition l'un par rapport à l'autre ».
La méthode qualitative s'est, pour sa part, construite aux États-Unis et c'est dans les années 1920-1930 qu'elle connaît son âge d'or grâce à l'école de Chicago qui représente, à elle seule, pendant le premier XXe siècle, le « modèle dominant de la sociologie américaine » par les travaux qu'elle fait mener par ses étudiants.
Néanmoins cet âge d'or ne dure qu'un temps puisqu'à partir des années 1940 l'analyse dite qualitative est remise en cause par l'apparition des études quantitatives et du fonctionnalisme (qui s'oppose à l'interactionnisme et qui considère donc que l'équilibre de la société repose non pas sur les individus mais sur les institutions en elles-mêmes qui formeraient un tout, un ensemble que serait la société). Cette irruption de ce nouveau type d'analyse et de cette nouvelle manière de penser la société sur la scène sociologique américaine provoque un débat virulent remporté par les adeptes de la méthode quantitative (cela va d'ailleurs de pair avec la perte d'influence de l’École de Chicago dans le monde sociologique). Cette méthode qualitative voit ainsi sa popularité décliner jusqu'aux années 1960 où elle renaît de ses cendres grâce à ce que David Matza appelle la « nouvelle école de Chicago ».
Tout cela souligne ainsi que ces deux méthodes (qualitatives et quantitatives) sont nées dans la confrontation, et, plus précisément, que l'analyse quantitative est née par opposition à l'interactionnisme symbolique et à l'étude qualitative pratiquée jusqu'alors ce qui montre bien que la distinction qualitatif/quantitatif en plus d'être pertinente, est historique.
B – Ces deux types d'analyses ont toutes deux leurs limites, un moyen pour l'une et l'autre de se critiquer constamment mutuellement
En effet pour la majeure partie des figures de proue de l'approche qualitative, l'analyse quantitative se trouve être biaisée par le fait qu'elle ne prend pas en compte le caractère humain, et déforme donc la réalité en laissant de côté les émotions et l'affect. De leur côté, les adeptes de la critique quantitativiste reprochent à l'analyse qualitative non seulement d'étudier un échantillon bien trop moindre pour pouvoir attester de la représentativité de l'étude, mais aussi de questionner l'aspect humain et émotionnel de la personne interrogée : le critère principal de la science telle que nous la connaissons aujourd'hui étant qu'elle se doit d'être objective.
Néanmoins, on peut aussi s'interroger sur la supposée objectivité dont font preuve les historiens, les sociologues, les scientifiques, les anthropologues, etc dans leurs analyses quelles qu'elles soient. Ainsi l'on a d'un côté les théoriciens de l'affect et de la subjectivité (analyse qualitative), et de l'autre les protagonistes de l'objectivité pure (telle qu'ils la revendiquent) c'est à dire les quantitativistes.
Par ailleurs, dans Quelques problèmes soulevés par l'analyse quantitative des villes, (1968) Claude Bauhain rend compte des différentes limites des études quantitatives en prenant un exemple d'ouvrage ayant effectué une analyse quantitative (British Towns. A statistical study of their social and economic differences de Moser C. A. et Scott W. en 1961) : « pour chacune des 157 villes de plus de 50 000 habitants que comptaient en 1951 l'Angleterre et le Pays de Galles, les auteurs ont traité un ensemble de données démographiques, économiques et sociologiques. Ils ont rassemblés 60 variables se rattachant aux thèmes suivant : chiffre et structure de la population, accroissement de la population, logements et ménages, classes sociales, votes, santé, éducation.
Cependant les thèmes retenus sont très inégalement représentés (14 variables pour le thème logements et ménages, 2 seulement pour celui de l'éducation). » Et l'auteur de rajouter « Mais plus grave encore est l'absence de certains éléments indispensables à la compréhension du phénomène urbain. Les rubriques concernant les revenus, l'emploi, l'utilisation du sol, les loisirs, ont dû être éliminées faute de données utilisables pour tout l'échantillon. » Voici donc les limites de la méthode quantitative qui voit son analyse biaisée par le manque et la mauvaise répartition des variables en fonction des thèmes choisis.
Cet exemple de critique de la méthode quantitative souligne donc bien en quoi la distinction quantitatif/qualitatif résulte tout d'abord d'une contradiction historique et naturelle, c'est-à-dire due à l'essence
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