L'Invention De La Politique Culturelle, Philippe Urfalino
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Très vite, le ministère rencontre des difficultés à se définir et surtout à se distinguer des autres administrations préexistantes, à savoir :
- L’Education nationale ;
- le secrétariat d’Etat aux Beaux-arts, qu’il remplace ;
- et le haut commissariat à la Jeunesse et aux Sports, avec lequel il doit coopérer pour l’Education populaire.
Les discours de Malraux ne cesseront de rappeler les missions spécifiques du ministère face à celles de ces autres administrations.
Ainsi, l’auteur s’attache à rappeler les bases du ministère et la pensée d’André Malraux, qu’il présente comme un moment de rupture dans le rapport de l’Etat à l’art.
Bien qu’il y avait déjà eu des actions sociales pour élargir l’accès à la culture, notamment avec l’Education populaire et la décentralisation dramatique de Jeanne Laurent, la création du ministère des Affaires culturelles est caractérisée par trois ruptures : idéologique, artistique, administrative.
En effet, on constate une rupture idéologique qui repose sur l’idée que l’art rassemble, idée que Malraux mettait particulièrement en avant dans ses discours.
Une rupture artistique, avec la création d’un secteur artistique professionnel subventionné ; la politique du ministère favorise les artistes professionnels et écarte les amateurs et associations issues de l’Education populaire, pour une culture de qualité.
Enfin la création d’un appareil administratif spécialisé : la « direction du Théâtre, de la Musique et de l’Action culturelle » créé une rupture administrative et permettra la mise en œuvre de la philosophie du ministère : « l’action culturelle ».
I La culture contre l’éducation
Dans cette partie, Philippe Urfalino montre comment l’action du ministère de Malraux va exclure toute idée d’enseignement dans le rapport à l’art, et comment le ministère se définit contre un système éducatif. Ce rejet de l’éducation repose sur une distinction entre culture et connaissance, il n’y a pas de pédagogie à mettre en œuvre pour l’art, mais, selon Malraux, une « mise en présence » d’une œuvre d’art suffit.
Cependant, la distinction entre le ministère et l’Education populaire sera la plus difficile à établir, car les deux administrations partagent des idées communes, comme la lutte contre l’inégalité de l’accès à la culture, l’universalité de la culture, ou encore l’indépendance de la culture vis à vis de la politique. Ainsi, l’Education populaire servira même de modèle pour la politique théâtrale du ministère, il s’agit plutôt d’une coopération entre les deux administrations. C’est notamment dans le souci égalitaire qu’elles se rejoignent ; Malraux centre son action sur la démocratisation et la décentralisation. Mais là ou le ministère va se différencier de l’Education populaire, c’est dans le choix de la « haute culture » face au divertissement, il s’agit d’élever le public à un art pas toujours facile d’accès, et de rejeter l’amateurisme et les manifestations artistiques des associations.
Les maisons de la culture voulues par Malraux se voient confondues également avec les maisons des jeunes et de la culture (MJC) créées en 1948, qui se trouvent plus du côté de l’enseignement avec des éducateurs et des savants alors que les maisons de la culture de Malraux privilégieront les artistes.
Pour comprendre la politique des maisons de la culture, l’auteur nous donne les composantes du IVème Plan mis au point par le ministère, ce qui permet une meilleure compréhension des objectifs des maisons de la culture. C’est Pierre Moinot, qu’André Malraux a chargé de réorganiser la sous-direction des Spectacles et de la Musique, qui conçoit et présente la politique des maisons de la culture. Ainsi, huit points sont abordés dans l’exposé intitulé « les maisons de la culture » du mois de mai 1961 :
- Les principes des maisons de la culture sont ainsi définis : le partage de la culture basé sur une rencontre entre les artistes et œuvres d’art et le public. Toutes formes de pédagogie et de vulgarisation sont écartées. Et quatre exigences caractérisent les maisons de la culture : l’universalité, la polyvalence, le pluralisme, la qualité.
- Le second point abordé touche aux programmes qui doivent être diversifiés et de meilleure qualité que les manifestations artistiques locales habituelles.
- Ensuite l’architecture des maisons de la culture est un élément fondamental dans la mesure où elle doit être à l’image de la qualité artistique exigée tout en donnant l’envie d’y entrer, d’y vivre… (un point qui sera développé plus loin)
- Plusieurs types de maisons de la culture : le type le plus élaboré, le modèle, et deux autres types plus modestes.
- La nécessité de textes régissant les coopérations entre les responsables des maisons, l’Etat et les municipalités.
- Une évaluation des financements nécessaires au projet de construction des maisons de la culture et le cofinancement (50% pour l’Etat – 50% pour la municipalité)
Enfin l’exposé s’achève sur deux projets liés à celui des maisons de la culture, à savoir :
- le projet d’un « centre national de formation des animateurs culturels »
- le projet d’un « centre national d’information et de diffusion culturel ».
On remarque que Pierre Moinot s’écarte quelque peu de l’esprit des maisons de la culture esquissé en 1959 mais son exposé est un succès et le IVème Plan approuve la politique des maisons de la culture.
En 1961, Emile Biasini réoriente lui aussi un peu la doctrine établie par l’équipe de Pierre Moinot et rédige un document de 18 pages intitulé Action culturelle, an I. Il souhaite avant tout différencier les maisons de la culture des MJC, qui doivent se compléter, l’une préparant à l’autre.
L’auteur soulève l’absence de Malraux dans la formulation précise de la politique des maisons de la culture et observe un affermissement des principes de Pierre Moinot à Emile Biasini.
II L’universel contre la représentation
Dans son idéal d’excellence artistique, le ministère entrera en conflit avec les associations et les élus locaux à plusieurs reprises. Philippe Urfalino choisit d’illustrer ces confrontations d’idées à travers deux épisodes marquants l’histoire de la politique des maisons de la culture. Le premier correspond aux inspections entreprises par Emile Biasini en 1963 sur des associations municipales ou d’Education populaire afin de savoir si leur activité méritait encore des financements de l’Etat. Le second épisode est la confrontation et longue incompréhension entre le ministère et la Fédération nationale des centres culturels communaux (FNCCC).
En 1963, Emile Biasini entreprend une inspection des associations issues de l’Education populaire affectées au ministère des affaires culturelles afin de savoir si celles-ci méritent encore la tutelle du ministère après la nouvelle doctrine visant à privilégier les artistes professionnels. Les rapports d’inspection, très sévères, ont aboutit à un évincement d’associations issus de l’Education populaire.
Parallèlement à la création du ministère des Affaires culturelles, un volontarisme culturel municipal se développe, et la FNCCC, réunissant 51 municipalités, est le fruit de ce volontarisme. Cette fédération semble bien déterminée à se confronter à l’Etat afin d’avoir un poids et une légitimité dans le domaine culturel. La querelle entre la FNCCC et le ministère des affaires culturelles aura duré 6 ans et aura permis à l’administration de définir davantage les contours de ses missions.
III La cathédrale et les démiurges
L’auteur s’attache ensuite à expliquer la politique d’équipement des maisons de la culture et l’importance que représente de l’architecture de celles-ci dans la volonté de créer du lien social. Il évoque trois enjeux soulevés par l’architecture des maisons de la culture :
- la beauté et la force symbolique ;
- il s’agit d’un édifice qui s’inscrit dans une ville, et dont l’ensemble s’inscrit sur le territoire national ;
- son espace doit inciter l’expression artistique et la démocratisation
L’architecture des maisons de la culture doit être à l’image des œuvres artistiques qu’elle expose. C’est en 1966 qu’André Malraux utilise publiquement l’image de la cathédrale, en ces termes : « Religion en moins, les maisons de la culture sont les modernes cathédrales. » Cette image porte l’idée d’une réunion sociale dans un lieu sacré, et poursuit l’idée selon laquelle l’art rassemble.
L’idée d’une maison comme machine sociale est présente dans le document de Pierre Moinot sur le programme de construction des maisons
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