La rétroactivité de la jurisprudence
Dissertation : La rétroactivité de la jurisprudence. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Sam Piou • 3 Novembre 2019 • Dissertation • 1 226 Mots (5 Pages) • 2 591 Vues
« Nul ne peut se prévaloir d’un droit acquis à une jurisprudence figée ». C’est ainsi que l’assemblée plénière de la Cour de Cassation s’est prononcée dans l’arrêt « Perruche », daté du 17 novembre 2000.
Elle a ainsi clairement affirmé que l’interprétation jurisprudentielle d’une même norme peut être modifiée au cours du temps, au gré des évolutions sociétales.
Le lexique des termes juridiques Dalloz (édition 2018-2019) définit le revirement de jurisprudence comme « le changement du tout au tout de la solution précédemment retenue par les tribunaux. La décision juridictionnelle, étant interprétative, s’intègre au texte normatif interprété et s’applique logiquement dès l’entrée en vigueur de ce texte dont elle fait application à l’espèce ; la jurisprudence opère donc rétroactivement ».
Un revirement de jurisprudence peut être une source de qualité juridique, dans le cas d’un revirement jurisprudentiel qui suit une évolution sociétale, dans la mesure où le changement peut alors être la marque d’un pragmatisme permettant l’adaptation au contexte sociétal du moment. Mais cela peut être également une source d’insécurité juridique, car un justiciable ne peut nécessairement prévoir un changement de position de la Cour de Cassation.
La rétroactivité de la jurisprudence peut donc être source d’injustice si elle est appliquée à des faits antérieurs à l’arrêt émis par la Cour de Cassation. On peut ainsi citer l’exemple de l’arrêt rendu par la chambre civile de la Cour de Cassation le 9 octobre 2001, suite au pourvoi d’un individu présentant des séquelles corporelles résultant d’un accouchement s’étant déroulé de manière compliquée, et pour lesquelles l’individu poursuivait le médecin.
Ce dernier, qui ne pensait sans doute pas que la jurisprudence allait évoluer en sa défaveur plus d’un quart de siècle après les faits, a donc été pénalisé par la rétroactivité de la jurisprudence.
La responsabilité des justiciables est alors mise en cause. L’insécurité découlant de ces revirements de jurisprudence ne peut qu’être source de méfiance pour les justiciables exerçant des métiers dont la pratique est susceptible d’être impactée par la rétroactivité d’une jurisprudence.
Il convient alors de s’interroger à propos de l’existence d’une jurisprudence qui puisse être à la fois rétroactive et sécurisée pour les justiciables.
Comment la rétroactivité de la jurisprudence se forme-telle ? De quelle manière applique-t-elle la règle de droit ? L’insécurité juridique est-elle inhérente à la jurisprudence ?
On étudiera dans un premier temps le principe de rétroactivité de la jurisprudence et sa mise en place (I), puis on s’intéressera au travail mené par les Hautes Administrations pour atténuer l’insécurité et l’injustice que peut générer la rétroactivité de la jurisprudence (II).
I) Le principe de rétroactivité de la jurisprudence et sa mise en place
On étudiera tout d’abord le fait que la jurisprudence suit les évolutions de la société et ainsi devient rétroactive (A), puis on s’intéressera aux bénéficiaires de cette rétroactivité de la jurisprudence (B).
A) Une jurisprudence aux évolutions corrélées à celles de la société : une source indéniable de rétroactivité
- L’évolution de la société liée aux progrès technologiques et scientifiques provoque une différence d’interprétation d’une même règle de droit par les magistrats. Dans cette situation précise, on évoque un revirement de jurisprudence des Hautes Juridictions (Cour de Cassation, Conseil d’État). Ces deux juridictions, n’étant pas contraintes par la jurisprudence, peuvent considérer qu’une décision différente s’avère plus pertinente.
Le droit étant une discipline non figée, les revirements de jurisprudence incarnent la volonté des magistrats d’adapter la justice aux mentalités prévalant lors de la période considérée.
Ex : Le revirement de jurisprudence de la chambre civile de la Cour de Cassation en matière de transsexualisme entre l’arrêt du 30 novembre 1983 (numéro de pourvoi :
82-13808) et l’arrêt du 11 décembre 1992 (numéro de pourvoi : 91-11900), qui fait suite à une condamnation par la Cour européenne des droits de l’Homme.
-C’est un moyen de combler des vides juridiques dans des situations que la loi ne peut prévoir.
- C’est un facteur de modernisation de la justice, et un moyen de rendre des décisions plus justes.
B) Les bénéficiaires d’une rétroactivité de la jurisprudence
- Le rôle de créateur de droit de la Cour de Cassation permet de rendre justice rétroactivement en faveur de minorités dont la portée du discours était bien moindre dans le passé et que l’évolution sociétale a pu permettre d’être à présent visibles dans le paysage politico-médiatique.
Ex : la Cour de cassation accepte qu'un parent homosexuel délègue l'autorité parentale à son partenaire homosexuel par l’arrêt du 20 février 2007 (numéro de pourvoi :
06-15647)
- en matière de pratique de métiers à risque : la rétroactivité de la jurisprudence permet d’encadrer ces pratiques par des principes de précaution jusque-là implicites dans les textes en vigueur.
Ex : Cas du médecin poursuivi pour n’avoir pas informé une mère du risque qu’elle encourait pendant son accouchement (arrêt rendu par la chambre civile de la Cour de Cassation le 9 octobre 2001).
II) Une longue réflexion menée par les Hautes Juridictions, afin de minimiser l’insécurité juridique que peut générer la rétroactivité de la jurisprudence
On s’intéressera tout d’abord aux différentes possibilités qu’a la Cour de Cassation pour rendre des arrêts rétroactifs sans pour autant causer de l’insécurité juridique (A), et aux notions de respect des principes de sécurité juridique et de bonne administration de la justice qui animent la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat dans leurs décisions rétroactives.
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