Les faits justificatifs en droit de la responsabilité civile
Dissertation : Les faits justificatifs en droit de la responsabilité civile. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Justine Chakhaloff • 3 Octobre 2017 • Dissertation • 5 187 Mots (21 Pages) • 2 317 Vues
Responsabilité civile : dissertation majeure
CHAKHALOFF Justine
Groupe 4
Sujet traité : Les faits justificatifs
« Lorsqu’on a commis un dommage, on doit en répondre »[1] tel est la finalité de la responsabilité civile. Effectivement, lorsqu’on commet un délit ou un quasi-délit, des obligations naissent à notre charge, et une réparation du préjudice doit donc être envisagée. À la lecture des œuvres de Frédéric Nietzsche[2], la responsabilité apparaît comme une condition de la liberté, ainsi, on est libre dès lors que l’on choisit et répond de nos actes.
En règle générale, l’intention de causer un dommage à autrui cesse d’être fautive dès lors que l’individu qui a causé le dommage s’est comporté de façon prudente et diligente, c’est à dire, dès lors qu’il a adopté le même comportement qu’aurait adopté un « bon père de famille » placé dans les mêmes circonstances.
L’auteur d’un dommage peut s’exonérer s’il réussit à prouver qu’il a été physiquement empêché d’agir normalement, c’est le cas de la force majeure ; C’est-à-dire que sous l’effet d’une cause étrangère, l’individu n’a pas pu agir autrement. Les faits justificatifs, eux, sont des circonstances qui permettent de neutraliser la responsabilité de l’auteur, autrement dit, d’ôter tout caractère fautif à l’acte dommageable. Ces circonstances ont en commun d’être étrangères à toutes considérations de l’agent.
Aujourd’hui, on se rend compte que dans la plupart des systèmes juridiques, une place importante est accordée à la notion de justification et à la notion de faits justificatifs, ayant un effet exonératoire de responsabilité. Dans le Code Civil français, il n’y a aucune disposition relative aux faits justificatifs. Ainsi, la justification actuelle s’est construite à partir du Code Pénal français, qui considérait initialement comme faits justificatifs, seul l’ordre de la loi, le commandement de l’autorité légitime, ainsi que la légitime défense, actuellement énoncés aux articles 122-4 à 122-6 du Code pénal.
Le droit pénal a surtout eu une influence sur les faits justificatifs admis par la jurisprudence civile. Il est donc logique d’admettre qu’un fait étant de nature à justifier une infraction pénale, puisse également soustraire toute faute civile ; on peut donc dire que les causes de justification pénales sont transposables au droit civil.
Pendant longtemps a prévalu le principe d'identité des fautes civiles et pénales, qu'avait consacré la Cour de cassation dans un arrêt du 18 décembre 1912[3]. Ce principe interdisait le juge civil de nier l'existence d'une faute civile lorsque le juge pénal avait relevé une faute pénale, mais cette solution a parfois incité le juge répressif a relevé plus facilement une faute pénale afin de permettre l’indemnisation de la victime sur le plan civil. Pourtant, cela n’a jamais empêché le juge civil de relever une faute simple (de négligence ou d’imprudence) alors que le juge répressif n’avait retenu aucune faute de la part de l’agent dont il était question.
L'avant-projet de réforme du droit des obligations, présidé par le professeur Catala, confirme cette transposition en énonçant « Il n'y a pas de faute lorsque l'auteur se trouve dans l'une des situations prévues aux articles 122-4 à 122-7 du Code pénal »[4].
Cependant, la jurisprudence a tendance à poser des limites de plus en plus restrictives à l’unité des fautes, notamment s’agissant des infractions matérielles (qui nécessitent la survenance d’un résultat)[5].
Par ailleurs, il est important de préciser à ce stade, que la responsabilité civile et la responsabilité pénale sont étroitement liées, cependant, de nombreuses différences subsistent, en particulier quant à leur finalité : la responsabilité pénale a pour but de sanctionner les actes qui troublent la tranquillité publique, afin de défendre les intérêts de la société, tandis que la responsabilité civile se préoccupe surtout de la réparation d’un préjudice. Certains auteurs ont donc contesté le caractère général de cette transposition, notamment en s'appuyant sur le fait que le droit pénal et le droit civil ne poursuivent pas les mêmes objectifs. L'identité des fautes civile et pénale est donc aujourd'hui très largement remise en cause notamment depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2000-647 du 10 juillet 2000, tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.
Même si pendant longtemps, il y avait une confusion entre la réparation et la punition, depuis la fin de l’Ancien régime, on peut observer que la responsabilité civile se détache partiellement du droit pénal, et tente d’acquérir une certaine autonomie par rapport à cette notion de justification notamment en consacrant de nouveaux faits justificatifs.
Est-il possible d’admettre une certaine autonomie de la responsabilité civile délictuelle en matière de justification d’un fait dommageable, par rapport au droit de la responsabilité pénale ?
Dans un premier temps nous verrons que certains faits justificatifs, posés par la matière pénale restent indiscutés sur le plan civil (I).
Puis, dans un second temps de réflexion, nous verrons en quoi la responsabilité civile tente de se démarquer et d’acquérir une certaine autonomie en matière de justification, il faut cependant nuancer cette autonomie, qui reste relative (II)
- Les faits justificatifs empruntés à la responsabilité pénale
Les premiers faits justificatifs ont émergé du droit pénal, ce qui a eu une forte influence sur la responsabilité civile ; en effet, trois faits justificatifs ont été empruntés à la matière pénale, il s’agit de l’ordre de la loi (A), le commandement de l’autorité légitime (B) ainsi que la légitime défense (C). Nous verrons en quoi ces justifications restent très peu indiscutables en droit de la responsabilité.
- Ordre de la loi ou permission de la loi
Ce fait justificatif est prévu par l’art 122-4 al. 1 du CP « N'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires »[6]
Ainsi, dès que la loi ordonne ou permet un acte déterminé, celui-ci ne peut donc pas constituer une infraction pénale, à condition bien sûr, que l’auteur de l’acte dommageable prouve qu’il s’est conformé à l’ordre explicite du législateur. Par exemple, le directeur d’un journal ne peut pas être responsable s’il a inséré une annonce légale à laquelle il était tenu[7].
Il est important de préciser qu’il en principe impossible d’opposer un règlement afin de justifier la violation d’un texte à valeur législative par exemple ; Cela s’explique par le respect de la hiérarchie des normes. La jurisprudence admet cependant une exception en matière de signalisation routière, où il est admis, que les signalisations affichées sur la voierie font foi pour les automobilistes, mêmes si ces dernières sont erronées.
De plus, lors de l’exécution d’un ordre ayant base légale, l’auteur du dommage peut voir engager sa responsabilité s’il a fait preuve d’imprudence ou de maladresse qu’il aurait pu éviter ; il peut également voir engagé sa responsabilité s’il a dépassé l’ordre de la loi ou du règlement.
En revanche, il n’en va pas toujours de même lorsque la loi autorise un acte, la jurisprudence se montre assez sévère à cet égard, et notamment lorsqu’il s’agit d’autorisations administratives nécessaires à telle ou telle activité, qui en général, n’exonèrent pas l’auteur d’une faute[8]. Pour pouvoir s’exonérer de toute responsabilité, l’agent devra avoir accompli l’acte de façon prudente et diligente.[9]
Il existe par ailleurs, des autorisations exceptionnelles, à savoir des immunités légales, notamment celles sur la presse, prévues à l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881. Ce texte permet par exemple aux parlementaires d’éviter toute action juridictionnelle à leur encontre à propos des discours qu’ils prononcent à l’Assemblée[10]. Cette loi permet également d’éviter toute poursuite pour injure, diffamation ou outrage à l’encontre des avocats lors des discours prononcés devant les tribunaux.
A la permission de la loi, on peut ajouter la permission de la coutume. Il s’agit par exemple, de l’autorisation de participation à certains sports qui nécessitent un combat[11]. Par ailleurs, est autorisée la correction manuelle des parents sur leurs enfants, à condition qu’il n’y a pas de faute de la part des parents, ainsi seraient justifiés les châtiments corporels qu’exercent les éducateurs[12] c’est à dire que ce droit de correction sur les enfants doit rester inoffensif, approprié à la situation, et dans un but éducatif.
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