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Analyse prologue Citizen Kane

Commentaire d'oeuvre : Analyse prologue Citizen Kane. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  9 Décembre 2015  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 685 Mots (7 Pages)  •  1 610 Vues

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Dans le prologue de Citizen Kane, Orson Welles réussit l'exploit d'aborder avec subtilité de grands thèmes qui pourraient vite devenir redondant : La solitude, le poids du passé, l'inutilité relative de la réussite sociale, l'impuissance devant la mort, et ce, en évitant les écueils que l'on connait. Ce n'est pas tout : Il parvient également, dans une démarche presque hitchokienne, à modeler l'opinion des spectateurs et parvient à le faire compatir au malheur d'un personnage dont on ne voit et ne connait presque rien, si ce n'est qu'il a brillamment réussi sa vie. La problématique qui peut surgir est peut-être : Parmi toutes ces portes verrouillées, laquelle nous conduira vers l'intrigue ?

 L'emprise de l'empire de Charles Foster Kane est inexorable, à tel point qu'il est lui même enfermé dans sa propre influence : Personne ne peut échapper à Kane, pas même lui même.  

Le premier élément notable est l'omniprésence de son gigantesque manoir dans tout les plans. Il est d'ailleurs plus présent que Kane lui même ! Quand il n'est pas visible directement à l'image, son ombre plane sur l'écran : Une fois par son reflet dans l'eau, qui est d'ailleurs à l'envers et qui vient confirmer l'impression globale d'étrangeté ; Une autre fois par la trace d'un fondu tellement long que la troisième image ainsi formée mange complètement le plan du terrain de golf désert de Kane. La métaphore est d'ailleurs claire : Jusqu'aux contrées les plus reculées, tous sont sous l'influence, même fantomatique, du protagoniste. Pour renforcer encore cette impression de toute puissance, Orson Welles a réussit à la prise de vue et au montage une parfaite superposition : D'un plan à un autre, le manoir reste au centre de l'image, se superpose avec son image du plan précédent. Bien à sa place, toujours immuable, il continue à grossir sans fin. Peut-être pour intimider encore davantage le spectateur, l'esthétique du manoir, plutôt baroque, donne une ambiance « contes et légendes ». On peut par exemple citer cet énorme « K » sur son monstrueux portail : L'homme incarne un mythe. Toujours dans le domaine du spectaculaire, le jeu sur les premiers, seconds et arrières plans est très poussé et renforce l'impression d'immensité du royaume, malgré le choix de ne jamais utiliser de grand-angle.

Dernier détail qui a son importance : la présence de palmiers dans les décors extérieurs, indice de la localisation de la résidence. L'homme nait dans un petit cabanon sous la neige, et meurt dans un gigantesque manoir à Xanadu. Si ce n'est pas l'American Dream !

Pourtant, il est clair avant même de découvrir réellement le lieu de vie du personnage, qu'il est avant tout  une forteresse impénétrable et une prison. Dés le tout premier plan du film, l'image est grillagée. Les grilles auront la part belle durant tout le prologue. Comme pour le manoir, celles-ci se superposent d'un plan sur l'autre, mais occupant de moins en moins de place dans le cadre. Ce premier plan nous offre également l'appréciation d'un panneau « Interdiction d'entrer » qui est plutôt surprenant. Le spectateur doit-il quitter la salle et renoncer à découvrir l'histoire de Kane ?  La caméra bravera l'interdiction, et, après avoir exploré tous les accès possibles, apparemment impraticables (représentent-ils aussi des sorties inutilisables ?) nous finirons par entrer tout de même. Sur ce jeu d'intérieur/extérieur, il faut revenir. Orson Welles joue sur ces deux univers, les traitant comme étant séparés alors qu'il les sait semblables : Le monde se sent prostré à l’extérieur du royaume de Kane, et Kane se sent prisonnier de son manoir. Il met en lumière cela dans le rapport qu'entretiennent les deux gros plans sur la fenêtre : le 12 et le 13. La même fenêtre est filmée de manière analogue des deux cotés du mur avec, à chaque fois l'impression que la lumière (chimère de bonheur et de liberté) sort de l'autre côté. La transition narrative et lumineuse est alors assurée par l'extinction des feux à l’intérieur de la chambre de Kane, juste avant le passage au plan 13. Cette fenêtre, qui était d'ailleurs la seule éclairée dans les premiers plans du film, donne l'impression d'une solitude extrême. L'incidence des plans, décalés à gauche pour l’extérieur et à droite pour l’intérieur, marque également rupture et continuité entre les deux univers. À l’intérieur, l'impression de confinement est entretenue par une « glaciation » de l'image : les plans 14, 15, 16 et 17 sont recouverts de neige. En dehors de l'impression d'emprisonnement et de parasitage de l'image qui en résulte, Il s'agit d'une piste pour découvrir la véritable prison de Kane : les réminiscences de son enfance, symbolisé par cette boule à neige dans laquelle on voit la maison de sa jeunesse. Elle infantilise Kane, le réduit, en même temps qu'elle l'emprisonne dans sa sphère de verre. Comme si ce jouet pouvait résumer notre homme, l'explosion de la sphère marque également la fin des jours du protagoniste. Plus- étonnant : Toute la focalisation du film, déshumanisée, est externe, à l'exception d'un plan qui pourrait être considéré comme étant du point de vue de Kane : Sa chambre est déformée par la boule à neige brisée, dont la maison grimpe sur le côté latéral gauche du cadre. Des éléments d'autre plans viennent parasiter ce denier : la fenêtre grillagée, la main de Kane. Sauf que ce plan est utilisé après la mort de Kane ! Comme si le réalisateur, après nous avoir fait languir de voir le monde par les yeux du protagoniste voulait nous prouver l’inanité de la démarche. Le dernier élément à prendre en compte concernant l'empire-prison de Kane est l'absence presque totale de vie et de mouvement : Deux petits singes à l’extérieur et une infirmière à l’intérieur dont aucun ne rentrera en contact avec le protagoniste. L'infirmière, dont on ne verra jamais le visage, et qui sera la seule à ouvrir une porte durant le prologue, n'apparait qu'après la mort du journaliste, et devient du même coût l'allégorie de celle-ci.

Si Charles Foster Kane veut se couper du monde, il va naturellement aussi vouloir échapper au spectateur et à la caméra. Cela se ressent par la distance mise entre le spectateur et le protagoniste et l'apparence mystérieuse du prologue. La distance observant-observé se manifeste d'abord par la non-volonté de montrer réellement Kane. Nous connaîtrons la bosse qu'il forme sous les draps de son lit de mort, sa main, sa bouche, un de ses balbutiement et c'est tout … C'est relativement peu surtout si l'on prend en considération que le titre le cite, que le prologue ne parle que de lui, et que cette dite introduction comporte tout de même 23 plans !  Mais cela ne s'arrête pas là : Non seulement le spectateur ne le voit pas ou presque, mais ce personnage, qui est quand même au cœur du récit ne réalise que deux mouvements minime : Il prononce deux mots et lâche involontairement la boule à neige qu'il tient. À ceci prés que la première action et valorisé à l’extrême par rapport à ce qu'elle est très concrètement : Un très gros plan pour montrer le léger gesticulement de sa bouche ; Et que la seconde ne peut pas considéré comme une action véritable, car elle est la conséquence direct de son trépas. Cet homme que l'on prend en pitié presque malgré nous, que de mystères recèle-il !  Nous pourrons citer en premier ces derniers mots : le fameux « Rosebud », qui peut évoquer, en plus de la luge de son enfance, le conte « La belle et la bête », transformant Kane en une bête recluse obsédée par les pétales de la rose qui se flétrissent et marquent sa propre déchéance.

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