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Dissertation : Alcool, G. Apollinaire

Dissertation : Dissertation : Alcool, G. Apollinaire. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  7 Mai 2022  •  Dissertation  •  6 058 Mots (25 Pages)  •  1 621 Vues

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  1. Alcools : renouveau poétique

Alcools, c’est un recueil de poèmes publié en 1913. Il regroupe tous les poèmes que Guillaume Apollinaire a lui-même rédigés et successivement publiés dans des revues entre 1898 et 1913. Les poèmes traitent de thématiques diverses, dont la plupart sont assez récurrentes : l’alcool, le monde moderne et la ville, l’amour malheureux, le voyage et les femmes. Ces thèmes tiennent très à cœur à l’auteur puisqu’ils évoquent des parties très importantes de sa vie, notamment l’amour malheureux faisant directement référence à ses amours déçus avec Marie Laurencin et Annie Playden. Pour rappel, Guillaume Apollinaire était un grand poète mais également un chroniqueur d’art.

Voici le tout premier vers du poème : « A la fin, tu es las de ce monde ancien ». Ce premier vers indique qu’Apollinaire semble être lassé de l’ancien monde. Pour autant, le monde dans lequel il vie ne cesse de se moderniser au fil des innovations, et le monde de l’art se modernise également au gré des nouveaux courants. Au vu du contexte, on comprend alors qu’il désigne en fait le monde de la littérature, qui lui, ne s’est pas tant renouvelé. On en déduit alors que l’auteur éprouve un profond désir de changement vis-à-vis des vieilles traditions de la littérature. Apollinaire s’engage donc dans une perceptive de renouvellement poétique au travers de son recueil. Se pose la question de la manière : comment procède t-il pour mettre en œuvre ce renouveau ? Nous nous demanderons alors si l’auteur a complètement innové la poésie, ou s’il s’est inspiré des traditions littéraires au départ. En premier lieu, nous étudierons les divers éléments novateurs qui présentent le recueil comme une œuvre assurément moderne, et par la suite, nous analyserons les différents vestiges de « l’ancien monde » présents dans les poèmes. Ensuite, nous verrons comment il est parvenu à renouveler la poésie grâce à ce subtil mélange entre tradition et modernité.

Le recueil de poèmes comporte une série d’éléments jusque-là encore inédits dans la poésie qui font de se livre un recueil résolument moderne.

   

Le premier aspect de modernité du recueil résulte de prime abord d’une révolution formelle. Il utilise une multitude de procédés pour établir un nouveau style poétique. Premièrement, on observe une absence totale de ponctuation tout au long du recueil. Cette absence permet au lecteur d’avoir son propre rythme de lecture et ainsi avoir une totale liberté d’interprétation du sens des vers. Par exemple, aux v.2-3 du Pont Mirabeau nous lisons : « Nos amours faut-il qu’on s’en souvienne ». Sans ponctuation, cette phrase peut être interprétée de 3 manières différentes : D’une part, elle peut être vue sous l’aspect d’une phrase interrogative, l’auteur se questionnerait sur la nécessité de se souvenir de ses amours, ou de s’en distancier. Elle pourrait également être considérée comme une phrase exclamative. Enfin, elle peut être lu comme une phrase injonctive, on comprendrait alors que l’auteur serait mélancolique des souvenirs que le pont Mirabeau lui rappelle. Parfois, l’auteur fait également l’usage d’enjambements. Ceux-ci couplés à un manque de ponctuation peuvent amplifier les ambiguïtés déjà présentes. C’est notamment le cas des v.1, 2, 3 du Pont Mirabeau que l’on peut par conséquent lire de deux façon : « Sous le pont Mirabeau coule la Seine et nos amours / Faut-il que je m’en souvienne » et « Sous le pont Mirabeau coule la Seine / Et nos amour, faut-il que je m’en souvienne ». Cette ambiguïté de lecture s’ajoute à l’ambiguïté de sens du v.3 due à l’absence ponctuation. Ainsi, la première lecture sous-entendrait que les amours sont éphémères et qu’ils défilent aussi vite que passe le temps. La deuxième lecture quant-à-elle évoquerait le passage du temps, et la question de se souvenirs des amours lointains qui peuvent malgré tout encore nous tourmenter/ ou le besoin de s’en souvenir par mélancolie/ ou de s’en éloigner à cause de la souffrance que le manque nous cause… En clair, l’auteur a cherché à affranchir les lecteurs d’une interprétation unique, pour leur permettre de trouver la leur. Peut-être que l’auteur dégage de la modernité une perceptive de liberté. On se rend compte que la disparition de la ponctuation permet une meilleure fluidité dans notre lecture. Deuxièmement, l’auteur va également bouleverser les codes de versification et de la métrique. Pour pas mal de poèmes du recueil, les vers sont libres, c’est à dire qu’ils n’ont pas tous le meme nombre de syllabes contrairement aux vers des poèmes plus traditionnels. De plus, les strophes ne sont pas toujours métriques : elles ne comportent pas nécessairement le meme nombre de vers. On est donc sur toute une structure poétique irrégulière et libre. C’est notamment le cas pour Zone où il y a une liberté totale de structure : le poème commence par 3 hémistiches, puis se poursuit par un tercet, et enfin un huitain. Le vers 1 est un décasyllabes si on compte la diérèse « an-ci-en » alors que le vers suivant a plus de 15 syllabes. L’auteur a meme été plus loin et a fait tout un poème qui ne se repose sur qu’un seul vers : « Chantre » (p.49) : un très court poème qui nécessite une fine analyse au mot-à-mot, et une grande culture pour pouvoir pleinement comprendre tout le sens du texte. Il est alors bien plus complexe qu’il n’y paraît. On s’aperçoit que l’auteur fait l’usage d’alinéas : quand la phrase déborde d’une ligne par faute de place, cette dernière passe à la ligne suivante mais n’est pas directement collée à la marge. Il y a effectivement un espace à gauche du la mise en page en plus du retour à la ligne (cf sur l’extrait de zone). Il s’avère que ces alinéas n’ont pas de fonction particulière, ce sont juste une autre marque de modernité. Cet alinéa est d’ailleurs fréquemment présent dans les poèmes en prose, pour autant les poèmes du recueil sont bien en vers. On retrouve aussi ce jeu sur la disposition des vers dans le pont Mirabeau. Il est d’ailleurs plus prononcé que dans les autres poèmes. Le décalage en zigzagues des vers rappelle l’ondulation de l’eau et aussi le cubisme par un effet de cassure de la verticalité/de l’union formelle du poème, ce qui évoque le tourment du poète à cause de ses déceptions amoureuses. Cela donne l’image d’un cœur brisé, en morceau à cause des amours malheureux. (cf l’image jointe à la dissertation) Justement, l’auteur a cette volonté d’imager son propos et les émotions qu’il veut faire passer. Pour l’instant, cette mise en forme du poème relève plutôt du symbolisme mais comporte tout de meme un effet d’image : on se sert du visuel déstructuré du poème pour faire passer le message. C’est en fait le précurseur des calligrammes qu’il réalisera plus tard et qu’il publiera dans « Calligrammes - poèmes de la paix ». Ici la disposition des vers est pleinement au service de la représentation par l’image. Il est question de représenter concrètement un élément de la vie réelle : par exemple la Tour Eiffel.

Troisièmement, Apollinaire apporte aussi une touche de modernité au travers du vocabulaire dont il fait usage. D’une part, on observe un mélange de plusieurs niveaux de langue au sein de ses poèmes. C’est notamment le cas dans La chanson du mal-aimé. On observe tout type de mots : des mots d’ordre littéraire (« firmament » p.36), assez vieux et soutenus (« aubade, ingénus » p.26 « candide » p.31), des mots courants (« fidèle, souvenirs... » p.27) et même grossiers voire vulgaires (« un pet foireux, cul de jument » p.29). Cette variation soudaine du niveau de langue au sein d’un meme poème surprend car elle est inattendue (Réponse des Cosaques Zaporogues au sultan de Constantinople). Pouvoir passer d’un niveau de langue à un autre peut être perçue comme liberté aux yeux de l’auteur, car cela lui permet d’adapter son vocabulaire le mieux possible en fonction de ce qu’il désir exprimer : par exemple, s’il souhaite adopter une tonalité lyrique, il va naturellement faire usage d’un lexique littéraire, un peu plus soutenu : « la romance du mal-aimé », « Je reste fidèle et dolent » parfois même dans l’optique de faire référence à un des faits historiques « Des hymnes d’esclave aux murènes ». Dans le cas inverse, s’il veut faire part d’une injure, il utilisera des mots grossiers pour accentuer la violence du propos  : « Ta mère fit un pet foireux », « Groin de cochon, cul de jument ». D’autre part, l’auteur fait un grand pas dans la modernité puisqu’il va meme aller jusqu’à introduire dans ses poèmes des mots qu’il a lui-même inventé : Noubosse, BéRieu, Malourène… (La Chanson du Mal-Aimée).

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