La Bruyère, les Caractères, Arrias
Commentaire de texte : La Bruyère, les Caractères, Arrias. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Enastex Antoine • 13 Janvier 2024 • Commentaire de texte • 1 830 Mots (8 Pages) • 170 Vues
Texte 5 : Arrias
Introduction :
Œuvre de la maturité, composée à 43 ans en 1688, Les Caractères sont aussi l'œuvre essentielle de La Bruyère. L'auteur la présente modestement comme une traduction du grec Théophraste selon la coutume des classiques, qui reprennent souvent des chefs d'œuvres de l'Antiquité. On connaît la célèbre première phrase de l'ouvrage : “tout est dit et l'on vient trop tard depuis plus de 7000 ans qu'il y a des hommes et qu'ils pensent” . Mais le sous titre “ou les mœurs de ce siècle” indique clairement la volonté de ne pas se contenter d'une traduction et d'adapter l'analyse morale au contexte français du XVIIIème siècle. Or La Bruyère parvient si bien à saisir les défauts de ses contemporains que Les Caractères connurent un succès immédiat. En tant que moraliste, La Bruyère s'attache à analyser les défauts humains suivant de près Molière et La Fontaine. Sur l'idée des convenances à respecter dans une société policée, La Bruyère élabore une série de portraits contrevenant à ces règles de savoir-vivre et surtout de savoir-parler. Avec le portrait d'Arrias extrait du livre V intitulé « de la société et de la conversation », il s'attaque aux pédants, vraie plaie des salons qui croient tout savoir sur tout.
Comment dans un portrait concis et plein d'humour, La Bruyère critique-t-il Arrias, type même du causeur perverti par l'orgueil et la fatuité ?
Nous évoquerons la présentation d'Arrias des lignes 1 à 3, puis nous verrons la mise en situation d'Arrias au cours d'un repas mondain des lignes 3 à 8. Par la suite nous étudierons l'incidence de son mensonge et de son orgueil des lignes 8 à 12 et enfin nous aborderons le coup de théâtre qui ridiculisera Arrias dans une chute sans appel de la ligne 12 à la fin.
I/ l.1→3 : La presentation d’Arrias
La Bruyère présente son personnage principal de manière très péjorative. En effet, il est présenté par ses défauts. L’hyperbole : “a tout lu, a tout vu” (l.1) et la répétition de l’adverbe totalisant “tout” montre la vanité d’Arrias qui prétend avoir un savoir encyclopédique. Cette hyperbole est renforcée par le passé composé des verbes lire et voir qui montre l’actualité du savoir encyclopédique qu’il prétend avoir. L’interruption ironique de l’auteur de la continuité du portrait : “il veut le persuader ainsi” (l.1) prévient immédiatement le lecteur de la vanité d’Arrias. La Bruyère insiste sur la vision qu’Arrias veut donner de lui aux autres par la parataxe entre l’opinion d’Arrias et celui de La Bruyère : “Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi” (l.1), qui entrechoque brutalement les deux opinions pour en faire ressortir l’humour. Cette opposition entre les deux opinions se retrouve un peu plus loin par une coordination entre ce qu’il n’est pas : “c’est un homme universel” (l.1) et ce qu’il parait : “il se donne pour tel” (l.2). L’adjectif qualificatif “universel” (l.1) est un parallèle avec l’adverbe “tout”. Les modalisateurs “il se donne pour tel” (l.2) et “il veut” (l.1) mettent en exergue le point de vue de La Bruyère. Ce point de vue est accentué par la comparaison : “il aime mieux mentir que de se taire” (l.2) qui illustre l’inversion des valeurs des honnêtes hommes pour Arrias. De plus, les verbes “mentir” (l.2), “se taire” (l.2) et “paraître ignorer” (l.2) forment une antithèse entre les valeurs habituelles de l’honnête homme et celle qu’Arrias fait paraître. En agissant ainsi, il se fait passer pour ce qu’il est, un cuistre (= pédant) contrairement à ce qu’il veut faire paraître, un honnête homme. Cela exclus Arrias de la haute société et des honnêtes hommes de l’époque.
II/ l.3→8 : La mise en situation d’Arrias au cours d’un repas
La Bruyère crée une opposition entre les convives à l’aide du pronom indéfini “on” qui contraste avec le pronom personnel “il” répété 7 fois dans ce paragraphe. Cette répétition traduit d’ailleurs l’omniprésence d’Arrias qui occupe abusivement l’espace, ce qui est contraire à l’art de la conversation. L’anonymat des convives traduit leur humilité qui fait ressortir l'orgueil d’Arrias. l’accumulation, les sept verbes d’actions et le registre épidictique : “l’ôte à ceux qui allaient dire ce qu’ils en savent” traduisent son impolitesse, ce qui le différencie pour la deuxième fois de l’honnête homme. La proposition subordonnée complément circonstancielle de comparaison “comme s’il en était originaire” révèle que le mensonge débute. Le verbe pronominal “il s’oriente” fait de ce passage une saynète vivante, Arrias parle de géographie. L’énumération “mœurs, femmes, lois, coutumes” amplifie le mensonge. Le sens du verbe “récite” dévalorise ses propos, cela fait penser à quelque chose de mécanique. De plus, le suffixe péjoratif “historiettes” renvoie au mensonge, à qqc de peu fiable. L’adjectif substantivé : “le premier” souligne son manque de tact. L’hyperbole “éclater” met en valeur son manque de savoir vivre, sa grossièreté. C’est un registre de langue familier qui prouve que Arrias n’est pas à sa place. Cet effet est renforcé par la gradation “il les trouve plaisantes, et il en rit le premier jusqu'à éclater” . L’adjectif indéfini “quelqu’un” crée une prolepse pour Sethon. L’adverbe nettement suivi du verbe prouver souligne l’accusation de mensonge (accusation grave). Le sens du verbe se hasarde montre qu’Arrias est difficilement mis en défaut tellement il est sûr de lui. Sethon se lance dans une polémique car les mensonges sont trop gros, il ne peut pas laisser dire mais il a attendu poliment la fin du discours d’Arrias. La litote “qui ne sont pas vraies” prouve le savoir-vivre du convive qui n’agresse pas Arrias.
III/ l.8→12 : L’incidence de son mensonge et de son orgueil
De la ligne 8 à 12, Arrias réagit face à l'accusation faite contre lui et ne se laisse pas faire. L'hyperbole L.8 “prend feu” montre bien l'énervement d'Arrias, la meilleure défense, c'est l'attaque. Il joue une colère d'acteur, l'expression “ne se trouble point” à la ligne 8 souligne le sang-froid d'Arrias face à sa situation, qui ne se laisse pas déstabiliser facilement. La prolepse à la ligne 9 “contre l'interrupteur” annonce déjà Sethon. La proposition incise “dit-il” au discours direct, avec la présence de guillemets permet de rendre le passage plus vivant avec l'apogée du mensonge. La proposition subordonnée relative complément de l'antécédent “rien” au subjonctif présent, “que je ne sache” à la ligne 9 insiste sur la confiance d'Arrias qui n'a aucun problème à mentir aux gens. Le terme “original” de la ligne 10 appuie sur l'authenticité prétendue d'Arrias. Il continue dans son mensonge et nomme l'Ambassadeur “Sethon” à cette même ligne. Il emploie le passé composé “je l'ai appris de Sethon” (l.10), un temps du passé qui continue d'agir dans le présent, et atteint un point de non-retour en citant le nom de l'ambassadeur sans connaître son visage. Arrias emballe son mensonge avec des parties vraies et connues de l'Assemblée. Le groupe ternaire de propositions subordonnées relatives aux lignes 11 et 12 “que je connais familièrement”, “que j'ai fort interrogé” et “qui ne m'a caché aucune circonstance” appuie la tentative d'Arrias de valider ses bêtises. Il suggère que Sethon et lui sont amis avec l'adverbe “familièrement” à la ligne 11, il raconte encore une fois des mensonges. Le mot “fort”, qui souligne une intensité, et la négation “qui ne m'a caché aucune circonstance” montre qu'Arrias prétend ne rien ignorer puisqu'il a déjà questionné Sethon à ce sujet. Il joue pendant tout son discours un rôle et est toujours dans l'excès.
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