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Laclos, les liaisons dangereuses

Fiche de lecture : Laclos, les liaisons dangereuses. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  7 Février 2017  •  Fiche de lecture  •  1 925 Mots (8 Pages)  •  1 987 Vues

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Introduction :

    Laclos est une figure originale de la littérature du XVIIIème siècle. Officier déçu d’une carrière militaire qu’il espérait plus brillante, Laclos est l’auteur d’une œuvre unique, le roman épistolaire Les liaisons dangereuses qui fait scandale à sa publication en 1782. En effet dans ce roman, Laclos relate le duel pervers et libertin de M et V. Tous deux se livrent à la débauche et se racontent leurs exploits à travers des lettres qu’ils s’envoient et qui constituent le cœur de l’intrigue. Plus précisément, Valmont a décidé pour reconquérir les faveurs de son ancienne maitresse la Marquise de Merteuil, de séduire la présidente de Tourvel une femme pieuse et fidèle. C’est précisément de cet ouvrage qu’est extraite notre lettre. Il s’agit de la lettre 81 , qui, si elle ne joue pas grand rôle dans le déroulement de l’intrigue, offre en revanche un remarquable autoportrait de la marquise.

I- L’enjeu de cette lettre.

   A- L’autobiographie de Merteuil.

→C’est la fameuse lettre que l’on surnomme « l’autobiographie de la Marquise ». Valmont semble ici comme oublié et la 1ière personne du singulier est omniprésente sous toutes ses formes ; soit en sujet de l’action (sujet+verbe), créant ainsi une anaphore syntaxique (« j’étais vouée », « j’ai su »), soit comme objet de cette action (« cette curiosité servant à m’instruire m’apprit encore », ou soit comme  sujet et résultat à la fois (« je suis mon ouvrage »).

Par ailleurs le second paragraphe de notre extrait débute sur « un retour en arrière » (« Entrée dans le monde »). Il s’agit donc d’un récit rétrospectif fait par Merteuil sur sa propre vie ». Telle est la définition de l’autobiographie selon Philippe Lejeune.

→ Le moment dont il est question ici, fait plus partie d’un temps fort d’une autobiographie, celui d’un apprentissage, étape incontournable de toute une vie.

B- La lettre confession ;

Il existe en effet plusieurs sortes de lettres dans les Liaisons dangereuses et Merteuil excelle dans l’art de pratiquer deux d’entre elles :

-La lettre récit, véritable bulletin de campagne ou de victoire (lettres 4,6,21,23)

-La lettre analyse psychologique des futures proies (lettre2,38)

Or, nous avons ici une lettre très particulière, la seule du roman, la lettre confession. D’ailleurs le terme « confession », rappelle le titre de l’autobiographie de Rousseau (Les confessions), référence et modèle du genre autobiographique au 18ième siècle, où ce dernier entend dans soin  préambule « entreprendre une entreprise qui n’eût jamais d’exemple » en rappelant dans toute son œuvre « ce que j’ai fait, j’ai pensé, ce que je fus ».

→On retrouve dans ces deux projets (Merteuil et Rousseau) le même orgueil. Par cette surabondance du moi, cette lettre donc, loin d’être un moment gratuit d’abandon de Merteuil et un temps mort dans la suite de l’intrigue.

Cependant , toute confidence n’est-elle pas dangereuse ? Il est intéressant de noter que M. semble oublier quelques réalités pourtant connues d’elle : une lettre se montre (lettre 25,28) ou se dérobe (lettre 44) et laisse toujours  une trace de quelque intimité (lettre 26).

II- Un apprentissage autodidacte.

  1. L’éducation seule de M.

→Ce qui ressort de ce récit, c’est tout d’abord le constat d’une absence d’éducation des jeunes filles du 18ième siècle pour affronter le monde et la condition féminine de l’époque.

Ce sujet intéresse Laclos puisque quelques mois après la publication des Liaisons dangereuses, il écrira un traité sur l’éducation de femmes ! Le tableau  que Merteuil propose d’une jeune fille est succint mais éloquent : »vouée au silence et à l’inaction », soumise au discours que l’on s’empressait de lui tenir ». On reconnaît là le personnage de Cécile de Volanges à la lettre 1 ; jeune fille  de 15 ans qui sort du couvent pour faire son entrée dans le monde.

→Ainsi, si Merteuil se dit comme toutes les jeunes filles, c’est précisément contre ce type de jeune fille que M. a décidé de se construire. C’est donc face à ce constat que M. décide de prendre en main son éducation.

On le voit dans l’ouverture de ce passage, sous forme de question oratoire, annoncée par le connecteur d’opposition « mais » et mis en relief par le démonstratif péjoratif à valeur de modalisateur « ces » (« Mais moi, qu’ai-je de commun avec ces femmes inconsidérées »).

→La marquise emploie de nombreux verbes qui appartiennent au champ lexical de l’instruction : « je recueillais, « je m’étudiais », « j’ai su »= ; ces verbes sont tous conjugués à la première personne du singulier qui insistent sur le fait que la marquise s’est bien formée elle même.

→La structure des phrases met en valeur cette qualité : même schéma syntaxique, qui consiste toujours à débuter la phrase par une opposition définissant son état, souvent un participe passé, suivi d’une proposition principale, comme « Entrée dans le monde au temps où….j’ai », « forcée souvent de cacher….j’essayai de guider, « encouragée dans ce premier succès. Je tâchai ». On retrouve également des phrases construites sur des oppositions exprimées dans des propositions subordonnées comme « tandis qu’on me croyait étourdie ou distraite ». Cela est également présent dans des propositions coordonnées comme « j’étais bien jeune encore, et presque sans intérêt, mais je n’avais à moi que ma pensées ». Merteuil insiste sur le travail fait sur elle-même au cours de son auto-éducation à l’aide de pronoms réfléchis, comme dans « je m’étudiais », « je me suis travaillée », et de verbes transitifs, comme « j’essayai », « je tâchai ».

C’st donc par un travail sur soi exigeant, à mi-chemin de la science et de l’art, qu’elle a créé son personnage.

B-….Basée sur la raison, la clairvoyance et l’intelligence.

Raison, clairvoyance et intelligence sont les notions clef.

Raison : Merteuil précise dès la ligne 7 à quoi elle consacre son inaction : « observer et réfléchir ». Notons que ces 2 verbes sont d’ailleurs des données clé des philosophiques des Lumières. Sa démarche quasi-scientifique (observer/réfléchir/expérimenter) font de Merteuil l’héritière des penseurs matérialistes des Lumières. Notons à ce propos le champ lexical de la raison et de la science (« réflexions « ; »observer » et « réfléchir », « m’instruire », « m’étudiais ». Par ailleurs, l’idée de pensée est toujours accompagnée des marques de la première personne du singulier, qui peuvent être des adjectifs possessifs « mes », des pronoms personnels compléments « à moi », « pour moi », ce qui insiste sur le fait que Merteuil réfléchisse uniquement par elle-même.

Apprentissage de la lucidité sur soi et envers les autres, du discernement entre les apparences et la réalité.

Clairvoyance : A l’inverse de Cécile, Merteuil ne confond pas les apparences et la réalité. Bien plus, on voit que c’est elle qui perce à jour les mensonges dont elle est entourée, distinguant la vérité du « discours qu’on s’empressait de/lui/tenir » et « ceux qu’on cherchait à /lui/cacher ». On notera au passage la valeur péjorative du pronom indéfini « on » collectif, désignant pour Merteuil jeune le monde des adultes menteurs. Merteuil fait donc preuve dès l’âge de 15 ans de clairvoyance.

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