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Le Rouge et le Noir, Stendhal

Commentaire de texte : Le Rouge et le Noir, Stendhal. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  15 Août 2024  •  Commentaire de texte  •  2 059 Mots (9 Pages)  •  67 Vues

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Le rouge et noir : lecture linéaire

Extrait étudié:

Madame de Rênal ne put fermer l’œil. Il lui semblait n’avoir pas vécu jusqu’à ce moment. Elle ne pouvait distraire sa pensée du bonheur de sentir Julien couvrir sa main de baisers enflammés.

Tout à coup l’affreuse parole : adultère, lui apparut. Tout ce que la plus vile débauche peut imprimer de dégoûtant à l’idée de l’amour des sens se présenta en foule à son imagination. Ces idées voulaient tâcher de ternir l’image tendre et divine qu’elle se faisait de Julien et du bonheur de l’aimer. L’avenir se peignait sous des couleurs terribles. Elle se voyait méprisable.

Ce moment fut affreux ; son âme arrivait dans des pays inconnus. La veille elle avait goûté un bonheur inéprouvé ; maintenant elle se trouvait tout à coup plongée dans un malheur atroce. Elle n’avait aucune idée de telles souffrances, elles troublèrent sa raison. Elle eut un instant la pensée d’avouer à son mari qu’elle craignait d’aimer Julien. C’eût été parler de lui. Heureusement elle rencontra dans sa mémoire un précepte donné jadis par sa tante, la veille de son mariage. Il s’agissait du danger des confidences faites à un mari, qui après tout est un maître. Dans l’excès de sa douleur elle se tordait les mains.

Elle était entraînée au hasard par des images contradictoires et douloureuses. Tantôt elle craignait de n’être pas aimée, tantôt l’affreuse idée du crime la torturait comme si le lendemain elle eût dû être exposée au pilori, sur la place publique de Verrières, avec un écriteau expliquant son adultère à la populace.

Madame de Rênal n’avait aucune expérience de la vie ; même pleinement éveillée et dans l’exercice de toute sa raison, elle n’eût aperçu aucun intervalle entre être coupable aux yeux de Dieu, et se trouver accablée en public des marques les plus bruyantes du mépris général.

Quand l’affreuse idée d’adultère et de toute l’ignominie que, dans son opinion, ce crime entraîne à sa suite, lui laissait quelque repos, et qu’elle venait à songer à la douceur de vivre avec Julien innocemment, et comme par le passé, elle se trouvait jetée dans l’idée horrible que Julien aimait une autre femme. Elle voyait encore sa pâleur quand il avait craint de perdre son portrait, ou de la compromettre en le laissant voir. Pour la première fois, elle avait surpris la crainte sur cette physionomie si tranquille et si noble. Jamais il ne s’était montré ému ainsi pour elle ou pour ses enfants. Ce surcroît de douleur arriva à toute l’intensité de malheur qu’il est donné à l’âme humaine de pouvoir supporter.

Introduction

Henry Beyle publie Le Rouge et Le Noir en 1830 sous le pseudonyme de Stendhal. Il sous-titre son œuvre “Chroniques de 1830”. Ce sous-titre souligne que c’est bien le siècle de la Restauration que Stendhal nous promet d’analyser dans ce roman. Il analyse en effet son époque à travers le prisme d’une petite ville, Verrières, qui est le théâtre de l’ascension d’une nouvelle bourgeoisie industrielle qu’il décrit dans les premières pages de son roman. Ce roman d'apprentissage narre l’ascension sociale et la chute de Julien Sorel, un jeune paysan qui rêve de gloire. Engagé par M. de Rênal comme précepteur pour ses enfants, il tombe amoureux de son épouse Mme de Rênal qui n’est pas insensible aux charmes du jeune homme. Dans cet extrait, Mme de Rênal se retrouve face à un dilemme moral: elle est amoureuse de Julien malgré son attachement pour les valeurs du mariage et l'idée de tromper son mari la terrifie. Nous nous demanderons donc dans quelle mesure peut-on dire que Madame de Rênal se présente comme une victime de la passion et de ses effets. Dans un premier mouvement, nous étudierons la prise de conscience de Mme de Rênal. Dans un second, nous verrons les tourments de son âme allant de la souffrance à la déchéance. Enfin dans une dernière partie, elle avoue sa jalousie et l’inconstance de son amour.

Plan de lecture linéaire

I –Dans le premier mouvement, nous assistons à la prise de conscience du personnage.

Tout d’abord, nous assistons à un bouleversement intime. Le désordre émotionnel est suggéré en trois phrases simples. “Madame de Rênal ne put fermer l’œil.” Cette manifestation physique qu’est la perte de sommeil est un signe concret des tourments éprouvés par la personne. De plus, “Il lui semblait n’avoir pas vécu jusqu’à ce moment.” On constate une accentuation hyperbolique renforcée par la tournure impersonnelle insistant sur le caractère extraordinaire de l'événement qu’elle ne semble pas maîtriser. Enfin, “Elle ne pouvait distraire sa pensée du bonheur de sentir Julien couvrir sa main de baisers enflammés” Sa pensée est pervertie par le rappel d’un acte sensuel. Elle subit l'événement et ne semble pas pouvoir agir de façon raisonnée. Il s’agit donc d’un plaisir coupable.

Tout à coup l’affreuse parole : adultère, lui apparut.” On assiste au constat brutal de« l’adultère ». Le mot est mis au centre de la phrase et n'est pas précédé d’un déterminant. Cette déconstruction de la syntaxe permet de mieux souligner le désordre qu’ occasionne cette prise de conscience. Tout étant concentré autour du mot adultère, celui-ci apparaît comme marqué au fer rouge. Le caractère ignoble de l'acte qui est un opprobre est renforcé dans la phrase suivante par l'image hyperbolique dépréciative associée à «l'amour des sens» et le vocabulaire de l'abject avec « vile débauche » et « dégoûtant ». Cela vient renforcer le caractère délictueux de l'acte. “l’idée de l’amour des sens se présenta en foule à son imagination.“ On voit bien que le personnage est submergé par l'émotion. “Ces idées voulaient tâcher de ternir l’image tendre et divine qu’elle se faisait de Julien et du bonheur de l’aimer.” L’image de l'amour est ici défigurée, Mme de Rênal est victime et elle réduit la pensée de l'amour à un délit. De plus, l’association à une prédiction funeste “L’avenir se peignait sous des couleurs terribles.” témoigne du caractère tragique de la situation. Enfin, la dernière phrase est la conclusion terrible de la prise de conscience “ Elle se voyait méprisable.“ La mise à distance par l'emploi de la tournure réfléchie, et l’utilisation de l'adjectif « méprisable » montre qu’il s’agit d’un constat sans concession.

II – Dans ce deuxième mouvement, nous sommes témoins des tourments de son âme

Tout d’abord, “Ce moment fut affreux ; son âme arrivait dans des pays inconnus.” On assiste ici à une allégorie de l’âme qui voyage vers l’inconnu. Cela montre que Mme de Rênal n’est plus maîtresse d'elle-même tant elle est tourmentée.

La veille elle avait goûté un bonheur éprouvé ; maintenant elle se trouvait tout à coup plongée dans un malheur atroce.” La perte de repères est renforcée par le contraste entre « la veille » et « maintenant ». Cela renforce par ailleurs le caractère unique de l'événement. Ce moment est ici singularisé et qualifié d’ « affreux ». Ce terme fait le lien avec le premier mouvement, développe et accentue la réalité des faits. On observe également une  opposition antithétique entre « bonheur-malheur».À l'euphorie du bonheur « inéprouvé » succède un malheur source de souffrances. Cela s’apparente aux tourments de l'enfer dus à la faute originelle.

Elle n’avait aucune idée de telles souffrances, elles troublèrent sa raison. “ La négation totale prouve que c’est la première fois qu’elle vit cela et la suite de la phrase montre qu’elle n’arrive plus à penser. Cela témoigne une fois encore d’une perte de repères et de contrôle d'elle-même.

Elle eut un instant la pensée d’avouer à son mari qu’elle craignait d’aimer Julien.” Mme de Rênal est tenté d'avouer son amour pour un autre à son mari. On assiste à un débat intérieur avec une focalisation interne. On se substitue à la pensée du personnage. L’usage d’une phrase proche du discours indirect libre, « c'eût été parler de lui » laisse entendre que cette option n’est pas viable, que l’échec est certain et l'inconséquence du propos lui saute aux yeux.

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