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Commentaire de texte - Paul Claudel - Partage De Midi - Le Cantique De Mesa

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est après la tempête d’ « un éclat de rire hystérique » que nous nous retrouvons dans le chaste calme de la mort. Ce Cantique est vaporeux et nous laisse dans la nuit complète avec un Mesa « méditant », éclairé par la nuit.

Problématique : Scène solennelle et détachée de son contenu théâtral de par son titre, nous pouvons nous demander sous quelle forme Mesa, instrument de Dieu, nous fait voyager, à travers son cantique, entre le monde de la repentance religieuse et l’horreur de l’univers cosmologique du chaos individuel claudélien.

Annonce du plan : Nous entrons d’abord dans l’illusion de Mesa, mirage du monde céleste où son imaginaire illimité prend le dessus sur sa raison. Cette vision cosmologique nous entraîne vers un déchainement Divin où la violence religieuse et celle des éléments abandonnent Mesa dans une solitude impériale. Comme le disait André Malraux dans La condition humaine, « cette boule dont le mouvement allait faiblir était un destin, et d’abord son destin ». Ainsi, Mesa se questionnera et questionnera Dieu sur son existence et sur sa destinée.

• « Et moi, l’homme, l’Intelligent, » (vers 318)

Ce vers est composé d’un rythme ternaire (phrase composée de trois membres) qui rappelle l’insistance des propos de Mesa marquée par l’utilisation des trois virgules qui scindent solennellement son discours. Au fur et à mesure de son éloquence, Mesa emploie des termes qui montent en crescendo selon leur importance. Cependant, cela peut être compris comme étant une forme d’ironie de la part de Claudel puisque ce rythme ternaire et croissant nous montre les étapes de la déshumanisation de Mesa : « moi, homme, Intelligent ». Mesa se qualifie, tout d’abord, comme étant lui-même, de façon relativement orgueilleuse, puis va se caractériser de manière généraliste en employant le terme « homme » même si l’absence de majuscule le désigne individuellement comme « être humain ». De plus, son orgueil le pousse à employer le pronom indéfini « l’ » pour se définir. Il utilise en ce sens la troisième personne du singulier, ce qui le rend plus mystique et plus lointain. En cela, son élévation pour atteindre le monde sensible, et non le monde intelligible, opère. Le terme qui retient toute notre attention est « Intelligent ». En effet, en employant la majuscule, Claudel insiste ce mot. Mesa qui est un homme parmi les hommes se désigne comme étant Intelligent, comme tous les êtres humains en somme. D’une manière globale, l’homme en général se veut Intelligent. Et pourtant, cela est relativement paradoxal. Certes, Mesa est un homme et les hommes sont doués de raison. Cependant, si l’homme est si intelligent, pourquoi n’est-il pas raisonnable ? Et pourquoi privilégie-t-il ses passions et reste dans l’erreur ? (comme le fait Mesa). Ici, la question philosophique concernant l’intelligence de l’homme est suggérée, mais également le duel entre l’homme Mesa et l’Intelligence spirituelle (Dieu) commence. Emmanuel Kant a dit : « On mesure l'intelligence d'un individu à la quantité d'incertitudes qu'il est capable de supporter ». Ici, Mesa puise en lui des réponses et cherche un spiritualisme. C’est à partir d’ici que Mesa devient Intelligent et va apprendre à accepter sa mort ...

• « Me voici couché sur la Terre, prêt à mourir, comme sur un catafalque solennel » (vers 219)

A travers la structure de ce vers, nous retrouvons un Mesa qui voit tout en grand. Il est dans une illusion relativement tragique et se pose en tant que victime des actes des autres. D’après le premier scindement du vers, nous pouvons voir que Claudel emploie, encore une fois, la majuscule concernant le nom « Terre ». Cela change le sens du propos de Mesa de manière considérable. Mesa est donc allongé sur la Terre, en tant que planète et non la terre comme couche superficielle de la croûte terrestre. Nous entrons donc ici dans une certaine cosmogonie du système solaire. Il n’est donc pas seulement allongé sur le sol dans un lieu précis, mais également sur la Terre comme tout Homme. Nous avons l’impression qu’il est le seul à habiter cette Terre et que le monde s’est arrêté de tourner en aillant aucun repère temporel. Le terme « me voici » insiste sur le fait que c’est quelque chose de nouveau et relativement étonnant, alors que paradoxalement cela est tout à fait banal. Nous entrons donc dans une situation mystique au côté de Mesa. Ce vers est scindé en trois éléments. Le deuxième élément, se trouvant au milieu (certainement pour marquer son importance), nous montre que Mesa se sent prêt à se confronter à la mort : « prêt à mourir ». Il nous annonce donc ici sa mort prochaine mais aussi sa confession envers Dieu. Le terme « prêt » peut signifier une forme de repentance avant la mort, une sorte d’excuse faite à Dieu face au péché commis. Mesa est au sein de la Terre, et se pose comme un saint, martyre de cette-dernière qui lui a donné la vie mais également la mort. On naît sur la Terre et on y meurt, ainsi les questions existentielles, qu’il mentionne indirectement ici (à savoir le rapport entre la vie et la mort, et l’existence humaine), sont tout de même suggérées. La Terre est comparée, avec la conjonction « comme », à un catafalque qui est une estrade sur laquelle on place un cercueil lors d’une cérémonie funèbre. La Terre, créatrice de l’homme, est donc celle qui supporte le corps de Mesa, donc qui supporte la mort. Elle est la limite infime entre la vie et mort, car la mort fait partie de la vie. Par la suite, le terme « solennel » (célébré publiquement avec apparat ; empreint de gravité) qu’emploie Claudel est ambivalent. En effet, il peut à la fois désigner le public qui est présent dans la salle, car cela veut dire que c’est célébré publiquement. Mais pas seulement, cela peut également faire référence aux étoiles et à la lune qui le contemple (comme il le mentionne avant notre extrait : « Nuit complète, on voit par les ouvertures toutes les étoiles du ciel qui brillent. La lune traverse toute la chambre d’un grand rayon » au bas de la page 141.). La situation se veut aussi majestueuse et grave. La tension est donc ici à son comble, mais à la fois atténué par la magnificence de cette mort solitaire d’un Mesa agonisant tout en s’élevant dans le céleste « au plus profond de l’univers… »

« Au plus profond de l’univers et dans le milieu même de cette bulle d’étoiles et de l’essaim et du culte » (vers 220).

Le vers continu de plus belle et nous sommes confiés à un voyage au côté de Mesa. Ce voyage, c’est la mort et nous avons l’impression que Mesa tombe petit à petit et de plus en plus dans le néant « au plus profond de l’univers ». Claudel qui a centré tout au long de son œuvre ses protagonistes, va ici décentrer Mesa (personnage central de la pièce) et en ce sens la Terre. Mesa se trouvant sur la Terre, un monde aux frontières limitées, se retrouve projeté dans un univers vaste et inconnu qui n’a aucune limite. Nous retrouvons ici l’idée de néant à travers la science et le cosmos. Peut-être est-ce pour évoquer le fait que Mesa est perdu dans l’univers entier, création de Dieu qui veut le punir. Mesa a donc ici tout perdu et n’a plus aucun but à atteindre, il se perd dans le trou noir de l’infini sans pouvoir revenir en arrière. Par la suite, Claudel recentrera Mesa dans le vaste univers par le biais de « cette bulle d’étoiles ». Il sera donc dans « sa bulle d’étoiles », c’est-à-dire au centre de l’univers, ce qui est ici encore relativement paradoxale. Mais à travers cette « bulle d’étoiles », Claudel créé une partie de l’univers spatialement finie. Ainsi, peut-être que l’auteur veut évoquer la puissance de Dieu qui a créé l’univers face à Mesa, exclu de l’amour divin, qui se créé cette bulle. Claudel s’efforce ainsi de réfuter l’infini, entendu comme illimité, par l’argument de la nécessité de la forme, par définition : « L’Espace n’est que le support de la forme ». En ce sens, il va limiter l’infini dans Partage de Midi en trouvant le milieu de l’univers. Par cette logique, Claudel va à l’encontre de la philosophie de Pascal :

« L’univers est une sphère, dont le centre est partout et la circonférence nulle part. » [Les Pensées _ Pascal]

Claudel, va ainsi répondre de manière détournée à une question qui oppose les philosophes et les scientifiques. En ce sens, il va poser les limites de l’univers au travers de Mesa qui s’invente un infini introspectif en se protégeant du monde dans sa bulle d’étoiles. Par la suite, l’auteur va comparer l’univers comme étant un « essaim », c’est-à-dire à un rassemblement en nombre important d’insecte de la même famille. Dans l’univers bien délimité de Claude, il y a une nuée d’étoiles qui entourent Mesa. De manière rationnelle, peut être que cela peut évoquer une pluie de météores que l’on qualifie d’essaim très intense. Le beau se mélange à la mort, et Mesa est un peu comme un astronaute aillant la tête vers les étoiles. Ici, nous voyons bien qu’il est plus rattaché au céleste qu’à la Terre ferme. D’ailleurs, Mesa fait partie de cette danse étoilée car il est lui-même une étoile perdue parmi les étoiles. Ici, nous retrouvons donc un « culte », celui du ballet aérien mais surtout le culte de l’univers aillant un milieu. Nous ne pourrons empêcher Claudel de trouver un milieu dans ce qui n’en a pas… Ainsi, il voue un culte à tout ce

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