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Cour Sur L'Art

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renonça furieux et jeta sur sa peinture l’éponge, avec laquelle il essuyait son pinceau; ce qui eut pour effet de laisser une trace de couleur imitant l’écume du cheval.”...

2/ Les trois lits de Platon

Ainsi donc, Platon écrit à l’époque où la skiagraphie a atteint son apogée. Pour Platon, le monde réel est une copie du monde intelligible. Donc les productions des artistes n’en sont jamais qu’une copie de copie, un monde sensible inutilement redoublé par l’œuvre du peintre. Pour comprendre cela, il faut lire République Livre X, de Platon.

Analyse du texte...

C’est pour très longtemps que Platon, par la bouche de Socrate jette la suspicion sur l’art de la Mimésis. Toute imitation est contrainte de choisir une perspective, un point de vue sur l’objet qu’elle souhaite imiter; ce faisant, elle ne peut montrer de l’objet qu’une des facettes (à moins comme dans le cubisme de vouloir représenter la simultanéité de plusieurs points de vue différents).

De nos jours, on retrouve les mêmes critiques à l’égard de tout ce qui relève de la réalité virtuelle : les jeux vidéos seraient la copie de monde imaginaires. Or à vouloir y passer ses journées on perdrait tout contact avec la réalité. Donc les jeux vidéo sont dangereux. Comme le peintre chez Platon, il faudrait chasser le concepteur de mondes virtuels. Autre exemple : Second life...

La peinture (les jeux vidéo) parce qu’elle s’attache aux illusions d’optique, aux trompe-l’œil, nous trompe, nous détourne de la réalité. La peinture est donc mise sur le même plan que la magie ou la sorcellerie. Il y a d’ailleurs ici un jeu de mots : Pharmakon en grec possède de nombreuses significations dont celles de remède, de poison, de drogue, mais aussi de fard, de pigment, de couleur (matière première du peintre...). Derrière toute peinture il y a quelque chose de magique, comme le philtre du sorcier. D’ailleurs les peintures rupestres dans la grotte de Lascaux avait-elle aussi cette vertu magique...

Conclusion : l’art mimétique est non seulement inutile (il est préférable d’apprécier la chose plutôt que sa représentation) puisqu’il redouble le réel, masi encore nuisible parce qu’il nous trompe et nous détourne, nous divertit de la véritable réalité...

2/ Lectures narcotiques

Mais il n’y a pas que les peintres qui détournent notre attention de la réalité et de la vérité. La lecture immodérée des romans peut constituer un puissant poison. Certains livres peuvent nous faire perdre la tête et nous faire perdre par la même occasion tout rapport avec le réel.

Le modèle d’un tel lecteur qui confond le fonctionnement des mondes fictionnels avec celui du monde réel est évidemment Don Quichotte. Ses lectures excessives de romans de chevalerie le conduisent à appliquer à chaque situation à laquelle il est confronté les grilles d’interprétation constituées à partir des romans. C’est pourquoi voyant des moulins il les appelle Géants, et ce malgré les objections répétées de son écuyer Sancho. Et quand le réel lui offre le démenti de ses moulins tangibles, il allègue l’existence d’un enchanteur, qui aurait transformé les géants en moulins afin de le déstabiliser. Ces interprétations nécessairement fautives l’entraînent à commettre des actions déplacées et par conséquent comiques.

L’héroïne éponyme du roman de Flaubert, Madame Bovary, est un double féminin de Don Quichotte. Les lectures cachées au couvent, puis celles des romans d’Eugène Sue, lui servent à forger des modèles de vie et à construire une image idéalisée des relations amoureuses que la réalité ne cesse de démentir. Emma voudrait comme dans les romans rencontrer le prince charmant, mais il n’existe pas dans la réalité. Comme l’entourage de Don quichotte, la belle-mère d’Emma Bovary s’inquiète de son comportement et propose comme remède de lui interdire la lecture.

Lisons un passage qui montre un dialogue entre Charles et sa mère :

« - Sais-tu ce qu’il faudrait à ta femme, reprenait la mère Bovary. Ce seraient des occupations forcées, des ouvrages manuels! Si elle était comme tant d’autres, contrainte à gagner son pain, elle n’aurait pas ses vapeurs-là, qui lui viennent d’un tas d’idées qu’elle se fourre dans la tête, et du désœuvrement où elle vit.

- Pourtant elle s’occupe, disait Charles.

- Ah ! Elle s’occupe ! A quoi donc ? A lire des romans, de mauvais livres, des ouvrages qui sont contre la religion et dans lesquels on se moque des prêtres par des discours tirés de Voltaire. Mais tout cela va loin, mon pauvre enfant, et quelqu’un qui n’a pas de religion finit toujours par tourner mal.

Donc, il fut résolu que l’on empêcherait Emma de lire des romans. L’entreprise ne semblait point facile. La bonne dame s’en chargea : elle devait quand elle passerait par Rouen aller en personne chez le loueur de livres et lui représenter qu’Emma cessait ses abonnements. N’aurait-on pas le droit d’avertir la police, si le libraire persistait quand même dans son métier d’empoisonneur? » ( p. 219-220. Livre de Poche.)

4/ Les dangers des jeux vidéo

De nos jours ce ne sont plus les romans qui jouent ce rôle d’empoisonneur public en nous détournant de la réalité. Ce sont les jeux vidéo qui produisent avec un réalisme toujours plus sophistiqué des simulacres de monde. Aujourd’hui la technique permet de créer des mondes fictionnels à l’infini et ils paraissent être un progrès dans l‘acticité mimétique qui consiste à reproduire le monde réel. Ce qui inquiète dans ces fictions, ce sont d’abord les images de violence : voir de la violence sur un écran engendre-t-il nécessairement un comportement violent dans la réalité ? Autre critique : les jeux vidéo feraient perdre les repères à ceux qui en abusent.

Pb : On critique donc le fait que l’art ou la fiction nous détournerait de la réalité sous entendant qu’il est toujours préférable de connaître la vérité. Cependant, le mensonge artistique ne serait-il pas salutaire pour les hommes ? Ne tirerions nous pas profit et plaisir de ce divertissement ?

1/ L’art nous détournerait de la nature. La nature est laide, ignoble. Il faudrait donc la recouvrir du voile de l’artifice, la faire disparaître sous l’artifice.

2: L’art nous permettrait d’échapper par le divertissement à la réalité quotidienne, monotone, répétitive. Cette réalité engendre le spleen.

C/ Le dégoût du monde

L’art nous détourne de la réalité, de la vérité; il est donc nuisible; il faut chasser l’artiste de la cité. Mais on peut aussi considérer que l’on peut souhaiter ou vouloir se détourner de la nature, de la réalité. La réalité quotidienne se caractérise par la monotonie, l’ennui. Charles Baudelaire décrit ce dégoût du monde dans un vers célèbre du Voyage : « une oasis d’horreur dans un désert d’ennui ». Ce dégoût du monde s’incarne aussi dans un dégoût de nature : « Passez en revue, analysez tout ce qui est naturel, toutes les actions et les désirs du pur homme naturel, vous ne trouverez rien qu’affreux » (Eloge du maquillage, Le peintre de la vie moderne, chap. XI.)

1/ Il y a deux détours possibles pour le poète, c’est de cacher la nature sous l’artifice, le visage sous le maquillage. Il convient d’artificialiser la nature.

Le héros littéraire de cette pratique divertissante de l’artifice s’appelle Jean Floressas des Esseintes, dans le roman célèbre A Rebours de J.K. Huysmans. Jean est en rupture de ban avec la nature. Il la déteste. Même chose avec la société bourgeoise et vulgaire. Il vit en solitaire dans une villa isolée de la banlieue parisienne, soigneusement préservée de tout contact avec l’extérieur, dans laquelle il s’est créé une vie et un environnement entièrement artificiels. Dans ce royaume de la facticité, la nature se voit refuser tout droit d’entrée et regard; des Esseintes n’entend admettre, dans son entourage immédiat, que des objets relevant de l’artifice :

« L’artifice paraissait à des Esseintes la marque distinctive du génie de l’homme. […] Comme il le disait la nature a fait son temps; elle a définitivement lassé, par la dégoûtante uniformité de ses paysages et de ses ciels, l’attentive patience des raffinées. […] A n’en pas douter, cette sempiternelle radoteuse a maintenant usé la débonnaire admiration des vrais artistes, et le moment est venu où il s’agit de la remplacer, autant que faire se pourra, par l’artifice. » ( A Rebours, chap. II.)

2/ L’autre possibilité c’est l’évasion, l’envol. Etre partout, mais surtout pas dans cette réalité vulgaire et hideuse. Le poète affirme sa singularité et revendique sa solitude aérienne. On peut lire dans Elévation :

« Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,

Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,

Par-delà le soleil, par delà les éthers,

Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,

Et, comme un

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