Analyse de dialogue, sur les quais
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TERRY
Et je gagnerai tout ce blé-là, pour ne rien faire?
CHARLEY
Oui, tu ne fais rien et tu ne dis rien. Tu comprends ?
TERRY
(soupirant)
Ça va plus loin que je croyais Charley. Je te le dis, beaucoup plus loin.
CHARLEY
Ça veux dire que tu vas témoigner contre certains de nos amis?
TERRY
Je ne sais pas Charley. C’est pour ça que je voulais te parler.
CHARLEY
Ecoute Terry, tu sais ce que ça représente les quais que nous contrôlons ?
TERRY
Je sais, je sais.
CHARLEY
Johnny court le risque de voir toute sa combine par terre à cause d’un réformé du ring, un tocard qui était plus souvent au tapis que debout ?
TERRY
(simultanément)
Ne dit pas ça ! J’aurais pu être beaucoup mieux.
CHARLEY
Ce n’est pas la question !
La question c’est qu’on n’a pas le temps !
TERRY
Je te dis que je ne sais pas encore ce que je vais faire !
CHARLEY
Tâche de savoir avant que nous arrivions au 437 River Street !
TERRY
Avant que nous arrivons où Charley? Avant que nous arrivons où ?
Terry fixe son frère qui détourne son regard. Soudainement Charley sort un pistolet qu’il braque sur son frère.
CHARLEY
Ecoute-moi bien. Accepte le boulot, accepte ce que je te propose, discute pas.
Terry regarde l’arme, complètement désabusé.
CHARLEY
Prends ce job Terry, je t’en supplie. Prends-le s’il te plait.
TERRY
(simultanément)
Charley... Charley...
Il détourne très délicatement l’arme braquée sur lui tout en faisant « non » de la tête.
Les deux frères ne se regardent plus pendant quelques instants. Charley réalise la portée de son geste.
CHARLEY
Ecoute… Combien pèses-tu maintenant?
Quand tu pesais 168 livres, tu étais splendide. T’aurais pu devenir un autre Billy Conn.
Le corniaud qu’on t’avait donné comme manager a voulu aller trop vite.
TERRY
Ce n’était pas lui Charley, c’était toi !
Tu te rappelles pas cette nuit au Garden, quand t’es venu au vestiaire et que tu m’as dit : « C’est pas ta soirée, on voudrait voir gagner Wilson ». Tu te rappelles de ça ? « C’est pas ta soirée ! »
Ce soir-là j’aurais pu mettre Wilson en morceaux.
Et finalement, il est devenu quelqu’un, il a eu sa photo partout, et moi ça été fini.
Tu étais mon grand frère, Charley. Si tu t’étais occupé de moi un peu.
Si tu m’avais aidé juste un petit peu, je n’aurais pas été forcé d’accepter les combats bidons pour bouffer.
CHARLEY
Chaque fois qu’il y avait une combine, t’avais ta part.
TERRY
Tu comprends pas ! Je voulais acquérir la classe! J’aurai pu être un aspirant au titre ! J’aurais pu être quelqu’un. Au lieu d’être le tocard. C’est ce que je suis devenu, regarde les choses en face.
Charley regarde dans le vide, envahi par la culpabilité.
TERRY
C’était toi Charley
CHARLEY
Ok… Ok… Je leur dirai que ne t’ai pas trouvé. Dix contre un qu’ils me croiront pas.
Charley lui donne son pistolet.
CHARLEY
Tiens, prends ça. T’en auras besoin
Arrête la voiture au coin ! (s’adressant au chauffeur de taxi)
Charley descend du taxi.
Analyse
Il convient de resituer cette séquence dans le récit afin de mieux l’appréhender : à ce moment de l'histoire, Terry Malloy est prêt à dénoncer le crime auquel il a assisté, et plus globalement la corruption qui règne sur les quais. Son frère Charley est envoyé pour le raisonner ou lui régler son compte.
Une première observation liée au cadre dans lequel le dialogue se déroule. D’une part ce taxi est un espace confiné, fermé : aucune fuite n’est possible, la discussion est inévitable et a un caractère strictement privé (hormis la présence du chauffeur qui est anecdotique). Et d’autre part, le taxi a une destination, la discussion ne peut pas être illimitée dans le temps, Charley n’a donc pas de temps à perdre, il en vient très rapidement à ce qui le tracasse (8ème réplique, « J’ai entendu dire que t’avais reçu une assignation »)
D’un point de vue global, on distingue clairement une structure ternaire dans le dialogue.
L’exposition consiste pour Charley à aborder le sujet de l’assignation et à tâter les intentions de son frère, sans lui demander clairement s’il compte parler. Une réplique formulée sous la forme d’un discours indirect constitue le pivot : « Oui, tu ne fais rien et tu ne dis rien. Tu comprends ? » En parlant du travail qu’il lui propose mais en sous- entendant le fait de parler au juge.
Désormais la discussion démarre pleinement, c’est le développement, la « confrontation » entre les deux frères, ils parlent ouvertement. Quand Charley pointe son arme sur Terry, c’est le climax, le sommet dramatique de la séquence * Et finalement on assiste au dénouement avec l’échec de Charley : son petit frère ne se taira pas, il ne peut que lui donner l’arme comme un ultime geste de protection et de pardon.
En termes de rythme et de tempo, il y a un déséquilibre flagrant entre les deux personnages, surtout dans la première partie : Charley mène véritablement la danse, c’est lui qui doit obtenir quelque chose. Terry se contente de répondre de façon assez sommaire. Finalement, ce déséquilibre se rétablit avec la longue tirade de Terry (qui commence par « Ce n’était pas lui Charley, c’était toi ! »). Charley est alors pris de regret sur son geste (et ses gestes passés) et ses intentions, il n’est plus dans sa position initiale.
En ce qui concerne le ton de Charley, on constate une évolution : dans un premier temps il met au point un stratagème, il ne veut pas aborder le sujet frontalement. En effet même si dès les premières répliques il parle du juge (« J’ai entendu dire que t’avais reçu une assignation »), il n’attend pas une réponse précise de son frère. Il tente plutôt de le faire rentrer dans le rang en lui parlant d’un futur travail bien payé qui l’attendrait. Or le spectateur sait qu’il est là pour l’inciter à se taire (dans la séquence précédente on voit le chef du syndicat le charger de sa mission). Il va donc
...