La sphère marchande comme outil de résistance à la mondialisation : le cas du marché des colas
Compte Rendu : La sphère marchande comme outil de résistance à la mondialisation : le cas du marché des colas. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoiressumen El mundo se sigue globalizando cada día más. Los flujos de capital, el transporte, los medios de comunicación promueven la aparición de este fenómeno. Sin embargo, la globalización no deja de tener consecuencias sobre las poblaciones locales que ven este desarrollo como una amenaza a su identidad y su cultura. A través de la creación o la reactivación de un suministro de alimentos y, en especial, a través de una oferta mundial y pletórica de bebidas de cola locales, el consumidor entra en resistencia y se niega a unificar su consumo. El éxito comercial de estas altercolas es innegable y múltiples dimensiones están relacionadas con su consumo. Palabras claves: resistencia a la globalización, la identidad de reinicio, la identidad del consumidor, la identidad, la construcción de identidad
e monde ne cesse de se globaliser chaque jour davantage (Holt, Quesh et Taylor, 2004). Les mouvements de capitaux, les transports, les moyens de communication favorisent l’émergence de ce phénomène (Ozsomer et Simonin, 2004). Pourtant, la mondialisation n’est pas sans conséquences sur les populations locales qui perçoivent cette évolution comme une menace… Menace identitaire et menace pour les cultures locales : nous nous attacherons, dans la première partie de cet article, à démontrer que la mondialisation est souvent perçue par les différentes populations locales comme une américanisation des économies, une homogénéisation de la consommation, une disparition de leur culture et de leurs traditions. En réaction, nous assistons désormais à des phénomènes de réarmements identitaires, à travers la création ou la résurgence d’un certain nombre de produits alimentaires et notamment une offre très variée de colas. Boisson emblématique, le cola est en effet devenu le symbole des sociétés occidentales, et en particulier des Etats-Unis avec le Coca Cola, boisson Totem. La simple présence de Coca Cola sur un territoire suffit à symboliser l’ouverture des marchés, à l’avantage de la culture américaine. Les colas, utilisés comme supports de narration, expriment ainsi le
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refus de la coca-colanisation, le rejet de la mondialisation et symbolisent l’entrée en résistance des consommateurs. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi d’analyser ces représentations négatives des colas. Dans ce cadre, les résultats d’une étude empirique menée sur plusieurs années, de nature qualitative, portant sur le marché des altercolas, sont rapportés en seconde partie. Un grand nombre de colas apparus sur le marché y sont analysés, portant chacun un discours différenciateur et un positionnement propre à l’idéologie prônée : celle-ci est tantôt religieuse, tantôt politique et majoritairement identitaire. Enfin, la troisième partie est focalisée sur l’analyse du succès commercial de cette offre de colas. Celle-ci révèle différentes dimensions – parfois ambivalentes - liées à la consommation des altercolas. A la fois source d’homogénéisation et d’hétérogénéisation, répondant aussi à un besoin de communalisation et d’éthique, cette démarche de consommation rappelle aussi que la volonté de nuire peut être appréhendée comme une motivation d’achat des consommateurs.
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l’émergence de phénomènes de résistance à la mondialisation dans la sphère marchande
veRs un RéARmement identitAiRe « L’herméneutique de la mondialisation », suivant l’expression de Zaiki (1998), révèle des représentations principalement articulées autour d’une thématique de l’effacement - désertant ainsi « la dimension symbolique et affective nécessaire à la construction d’un imaginaire positif » (Grenade & Jacquemain, 2005) et amorçant un processus de victimisation. La mondialisation est ainsi, souvent, vécue comme un processus, violent, d’uniformisation culturelle, comme un « nouvel impérialisme » culturel (Smith, 1990), comme une « occidentalisation du monde » (Latouche, 2005) – une « globalisation du localisme occidental », suivant l’expression de Boaventura de Sousa Santos (2001), ou encore une « américanisation du monde » (Rydell & Kroes, 2005), agressive, privative d’identité, dépossessive des repères existentiels traditionnels. Les résistances à ce processus que l’on voit à présent émerger, résistances d’ordre “alter-mondialiste” ou “antimondialiste”, ne sont pas seulement “positives”, tenant alors en l’affirmation d’une originalité, d’une spécificité fortement revendiquée, mais sont également “négatives”, consistant en un refus éventuellement violent de la mondialisation - pour la défense des particularismes régionaux, contre toute altération des référentiels axiologiques. L’antiimpérialisme (glissant volontiers vers l’anti-colonialisme) s’impose alors comme grille de lecture idéologique de ces mouvements. Au plan psychologique, ceux-ci peuvent être appréhendés comme des mécanismes adaptatifs, ayant pour vertu d’aider les individus à s’ajuster aux changements, à maintenir leur identité face aux transitions et perturbations majeures les affectant (Robert-Demontrond, 2001). Les affects nostalgiques contribuent de fait à compenser les difficultés liées à ces transitions, et s’apparentent en conséquence à des réactions défensives contre le changement, visant à l’affaiblissement des blessures affectives, narcissiques, que celui-ci provoque. Prévaut alors l’impression d’une restauration de soi, d’une affirmation de l’ipséité individuelle contre les changements ou les altérations du monde. Et il en va très exactement du corps social comme des individus qui le constituent et l’instituent : chaque société assure son identité dans l’intégration de son passé, de la même façon exactement que la conscience de soimême est conscience de son passé. De là l’engagement, actuellement, au plan mondial, d’un processus sociétal de “réarmement identitaire” (Robert-Demontrond, 2002), de “revivalisme culturel” (Badie & Smouts, 1999), processus de “re-triballisation culturelle” (Premdas, 1997), de pluralisation du monde, finalement, signant “la fin de l’occidentalisation” (Panhuys, 2004) en allant à l’encontre d’une modernité vécue très souvent comme génératrice d’exclusions, de frustrations, d’insécurité économique et ontologique. Processus allant à l’encontre de la mondialisation, donc, en ce qu’elle représente de perte de soi ou de risque de
perte de soi. Avec, en final, une crispation sur les référentiels axiologiques traditionnels - notamment ceux civilisationnels, entendus ici comme ceux philosophiques et religieux. Les différences ethnoculturelles que l’on avait cru effacées font l’objet de constructions volontaires d’affiliation chez de plus en plus de sujets. Des individus économiquement intégrés aspirent à l’expression, dans l’espace public, d’une identité de type ethnoculturel; des exclus, dont l’exclusion socio-économique a longtemps été légitimée par l’indignité culturelle, s’ethnicisent dans le même mouvement qu’ils sont ethnicisés – les rapports sociaux s’ethnicisent. Pour les “cultures défaites”, comme l’écrit Maalouf (2002), la mondialisation, déclinée en modernisation, impliquant “l’abandon d’une partie de soi-même”, impliquant l’abandon de traditions jusqu’aux plus essentielles - n’est jamais vécue en conséquence sans une certaine amertume, sans un sentiment d’humiliation et de reniement. Sans une interrogation poignante sur les périls de l’assimilation. Sans une profonde crise d’identité. Derrière l’apparent rejet de la mondialisation, comme uniformisation du monde, c’est ainsi souvent le refus du reniement de soi qui, en fait, est à l’œuvre. L’offRe identitAiRe comme vecteuR de pRocessus d’identificAtion Par identité, il faut ici entendre identification. Définition nominaliste donc, imposant de ne penser l’identité qu’en termes : i) de processus, de dynamique continue, et non pas de stase; ii) de représentation sociale, et non pas de réalité substantielle; iii) de production, et non pas de reproduction. C’est ainsi, quant à i) qu’il faut penser l’identité comme étant toujours provisoire, et non pas inscrire la réflexion dans les paradigmes substantialistes (Martuccelli, 2002). Quant à ii) : il faut penser l’identité en termes narratifs, dans la perspective de Ricoeur (1990) - tout individu développe, tantôt consciemment et tantôt inconsciemment, un récit sur lui-même - il n’est pas d’identité qui ne s’établisse sans narration. Quant à iii), finalement : cette narration est un programme de transformation (Poirier, 2004); l’identité est une invention continue (Kaufmann, 2004) et l’individu, une production de soi. Son essence est « un travail sur soi » (Dubet, 2005); toute identité relève d’une « création de soi par soi » (Foucault, 1984) – qui trouve appui, et seulement
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