Commentaire d’arrêt Cass.Com, 22 Mars 2016
Discours : Commentaire d’arrêt Cass.Com, 22 Mars 2016. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et MémoiresPar Malfo • 8 Novembre 2018 • Discours • 1 674 Mots (7 Pages) • 5 210 Vues
Commentaire d’arrêt Cass.Com, 22 Mars 2016
La chambre commerciale de la cour de cassation a longtemps été en divergence avec les chambres civiles de la même cour quant à la prescription de l’action en nullité d’une cession de part sociale pour vileté ou indétermination du prix. Par cet arrêt du 22 Mars 2016, elle opère un revirement en appliquant le délai quinquennal de droit commun à l’action en nullité.
En l’espèce les associés fondateurs d’une société souhaitent obtenir la participation d’une personne à leur projet de développement, par conséquent elles concluent avec elle un « accord cadre », au terme duquel ils s’engagent chacun à lui céder 5% du capital de la société au prix « forfaitaire et symbolique de 500 euros ». En échange, le futur associé s’engageait à apporter ses connaissances pour une durée minimale de cinq années en sa qualité de directeur commercial. Trois actes de cessions de parts sociales furent alors signés en 2003, sept ans après les associés fondateurs assignent le cessionnaire en nullité des cessions des pats pour indétermination du prix, à défaut pour vileté du prix, et à titre subsidiaire en résolution des cessions du fait de sa défaillance dans l’exécution de ses obligations.
Le défendeur fait valoir la prescription quinquennale opposable à toute action en nullité relative. Les juges du fond ont débouté l’action introduite par les cédants, car prescrite. La Cour d’appel de Versailles retient la prescription, considérant que l’action introduite ne tendait qu’à la protection des intérêts privés des cédants et qu’elle relevait ainsi du régime des actions en nullité relative, soumises à la prescription quinquennale. Les demandeurs décident de se pourvoir en cassation soutenant que la nullité fondée sur l’absence d’un élément essentiel du contrat est une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire selon le droit antérieur à la loi du 17 juin 2008.
La problématique sur laquelle la cour de cassation est amener à se prononcer est celle à savoir quel régime de nullité il conviendrait d’appliquer ?
La Chambre commerciale de la Cour de cassation va confirmer la solution des juges du fond en rejetant le pourvoi, elle considère que « c’est non pas en fonction de l’existence ou de l’absence d’un élément essentiel du contrat au jour de sa formation, mais au regard de la nature de l’intérêt, privé ou général, protégé par la règle transgressée qu’il convient de déterminer le régime de nullité applicable
I/ La détermination du régime de nullité pour indétermination du prix ou vileté du prix
A/ De la nullité de droit commun à la nullité relative
« Attendu que la Cour de cassation jugeait depuis longtemps que la vente consentie à vil prix était nulle de nullité absolue (1re Civ., 24 mars 1993) ; que la solution était affirmée en ces termes par la chambre commerciale, financière et économique : « la vente consentie sans prix sérieux est affectée d’une nullité qui, étant fondée sur l’absence d’un élément essentiel de ce contrat, est une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire de droit commun ») En l’espèce, l’action en nullité des cessions de parts conclues pour un prix indéterminé ou vil ne tendait qu’à la protection des intérêts privés des cédants ; c’est donc à bon droit que la cour d’appel a retenu que cette action, qui relève du régime des actions en nullité relative se prescrit par cinq ans par application de l’article 1304 du Code civil. La première Chambre civile et la Chambre commerciale jugaient que la nullité de la vente consentie à vil prix avait un caractère absolu : le prix est un élément essentiel du contrat. La troisième Chambre civile avait adopté une solution différente en rattachant la nullité à celle encourue pour absence de cause, qui est sanctionnée par une nullité relative, et ce y compris devant la première Chambre civile à partir de 2004 (Cass. 1re civ., 29 sept. 2004). Après le revirement par la 3e chambre civile de la cour de cassation qui a jugé « qu’un contrat de vente conclu pour un prix dérisoire ou vil est nul pour absence de cause et que cette nullité, fondée sur l’intérêt privé du vendeur, est une nullité relative soumise au délai de prescription de cinq ans » (3e Civ., 24 octobre 2012) ; la première chambre civile la suivie en énonçant que la nullité d’un contrat pour défaut de cause, protectrice du seul intérêt particulier de l’un des cocontractants, est une nullité relative (1re Civ., 29 septembre 2004)
B/ Un revirement s’inscrivant avec cohérence avec les autres solutions des chambres civiles
Cette solution se justifie par le fait que ce n’est plus en fonction du caractère essentiel de l’élément du contrat qui est touché, mais en fonction de la nature de l’intérêt en cause que l’on détermine si la nullité est relative ou absolue. En l'espèce, l'action en nullité des cessions de parts conclues pour un prix indéterminé ou vil ne tendait qu'à la protection des intérêts privés des cédants. La chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle ici les solutions adoptées par la première et la troisième chambre civile de la Cour de cassation, lesquelles ont considéré que l’action en nullité d’un contrat de vente conclu pour un prix indéterminé ou vil fondée sur un intérêt personnel, relevait du régime des actions en nullité relative soumises à la prescription quinquennale (Cass. 1re civ., 29 sept. 2004 ; Cass. 3e civ., 24 oct. 2012). Si le délai de prescription a depuis été aligné par la loi du 17 juin 2008, cet arrêt est précurseur puisqu’il distingue les différents types de nullité selon que l’intérêt protégé est un intérêt privé (nullité relative) ou l’intérêt général (nullité absolue). Contrairement à ce qu’avançaient les associés et concernant la protection d’un intérêt privé, leur action se heurtait à la prescription de cinq ans à compter de la date de cession. Il sagit là donc d’un revirement important car en érigeant la nullité relative en sanction d’une cession de titres sociaux conclue pour un prix dérisoire, les magistrats réduisent ses chances d’être annulée, notamment parce que les demandeurs potentiels sont moins nombreux. À cet égard, il sera observé qu’en sanctionnant par la nullité relative le prix dérisoire, l’arrêt invite désormais à rechercher quelle partie est protégée par l’exigence d’un prix sérieux car seule cette partie pourra demander la nullité. Et de ce point de vue, les choses ne sont peut-être pas si évidentes. Mais le fait que la chambre commerciale de la Cour de cassation modifie sa position n’est pas le seul aspect qui retiendra l’attention. Il n’est pas moins intéressant de constater que la chambre commerciale a expressément rappelé l’état de la jurisprudence des différentes chambres et, fait exceptionnel, a même visé les références des arrêts.
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