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Droit des biens - la possession

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ion exempte de vices est éxigée. Ainsi, la possession doit être continue, paisible, publique, non équivoque et de bonne foi. Il s'agit donc de vérifier en l'espèce si les conditions de la possession sont ou non satisfaites.

Tout d'abord, le corpus et l'animus sont-ils réunis ? Telle est la question que tout juriste doit se poser avant d'avancer quelqu'hypothèse que ce soit relative à l'application de l'article 2276 du Code civil. En d'autres termes, avant de songer à appliquer l'alinéa premier de l'article précité, penchons nous sur la question de savoir si la dame de compagnie a ou non la qualité de possesseur. Le corpus correspond à la maîtrise réelle de la chose, l'exercice d'un pouvoir effectif se traduisant par l'accomplissement d'actes appelés faits de possession. L'animus est un élément psychologique, correspondant à l'intention délibérée de s'affirmer en maître de la chose. La possession étant présumée, il appartient aux héritiers de prouver que les éléments constitutifs ne sont pas réunis. De prime abord, il apparaît clairement que la condition matérielle – le corpus – est satisfaite dans la mesure où la dame de compagnie porte effectivement les bijoux et que le port de ces bijoux est l'affectation première attachée à ce type de bien. La preuve de l'absence d'animus est traditionnellement difficile à rapporter. L'espèce soumise à analyse confirme cette affirmation mais nous pouvons d'ores et déjà affirmer que la seconde condition inhérente à la possession est remplie puisque la dame de compagnie revendique la possession, se comportant dès lors en maître sur la chose.

Ensuite, la possession est-elle continue ? Au sens de l'article 2229 du Code civil, la possession est continue lorsqu'il est fait un usage normal de la chose, c'est-à-dire lorsque les faits de possession sont accomplis régulièrement. En l'espèce, l'usage normal est le port des bijoux. Il apparaît donc clairement que la condition de continuité ne pose pas de problème dans la mesure où la dame de compagnie porte les bijoux et n'en fait donc pas un usage différent.

En outre, la possession est-elle paisible ? La possession sera paisible lorsque le possesseur est entré en possession du bien de manière non violente ou lorsqu'il se maintient en possession sans voie de fait ni menace. En l'espèce, la dame de compagnie semble ne pas être entrée en possession des bijoux de manière violente, mais aucun élément ne le prouve véritablement. Un acte notarié caractérisant la donation semble être une preuve suffisante pour démontrer l'entrée en possession non violente. En outre, la dame de compagnie semble se maintenir en possession sans voie de fait ni menace.

Par ailleurs, la possession est-elle publique ? La possession est dite clandestine lorsque le possesseur a une volonté de dissimulation du bien. En d'autres termes, le possesseur ne souhaite pas révéler aux yeux des tiers qu'il détient la chose. En l'espèce, tel n'est pas le cas dans la mesure où la dame de compagnie porte les bijoux, au vu et au su de tous. Une solution différente aurait pu s'appliquer si la dame de compagnie dissimulait les bijoux afin que les héritiers ne soient pas en mesure d'avoir connaissance de la détention matérielle. Tel n'est pas le cas, la possession est donc publique.

De plus, la possession est-elle non équivoque ? La possession est non équivoque dès lors qu'aucun doute ne subsiste sur le titre auquel agit le possesseur. Les faits de possession doivent permettre de savoir que le possesseur agit bien au titre de possesseur. En l'espèce, il semble qu'aucun doute ne plane sur la qualité de possesseur de la dame de compagnie. Les tiers peuvent légitimement croire qu'il s'agit là du possesseur légitime du bien objet du litige.

Enfin, la possession s'exerce t-elle de bonne foi ? Le possesseur est de mauvaise foi lorsqu'il sait ne pas être le véritable propriétaire du bien. A l'inverse, il est de bonne foi dès lors qu'il il croit être propriétaire du bien, sans savoir qu'il ne l'est pas. La question de la bonne foi est parfois délicate à trancher, le terrain probatoire étant peu propice aux généralités. Ainsi, les juges apprécient au cas par cas la caractérisation ou non de la bonne foi. En l'espèce, et dans la mesure où la dame de compagnie semble pouvoir se prévaloir d'un acte de donation – selon ses dires – il semblerait que la possession soit de bonne foi.

En admettant le fait que les conditions de la possession sont satisfaites, il semblerait de prime abord que le litige soit résolu, en application de l'article 2276 alinéa premier du Code civil. Il est à noter qu'il appartient aux héritiers de rapporter la preuve d'une possession viciée. Ainsi, la dame de compagnie serait en possession des bijoux, le tout de manière régulière. La possession valant titre, elle serait donc propriétaire et les héritiers ne bénéficieraient d'aucun recours pour revendiquer la propriété des bijoux ayant appartenus à la défunte. Cependant, la réalité juridique est toute autre.

II – Exception : les souvenirs de famille sont exclus du champ d'application de l'article 2276

Quand bien même se trouveraient réunies les conditions afférentes à l'application de l'article 2276 alinéa premier du Code civil, il est des cas dans lesquels ledit article ne trouve pas à s'appliquer. La jurisprudence, contra legem, a ainsi érigé un certain nombre d'hypothèses dans lesquelles l'application de l'article suscité est exclue. En toute logique, certains auteurs ont vivement critiqué ces décisions dans la mesure où la jurisprudence n'a en principe aucun pouvoir normatif, lequel est conféré à la loi et au règlement en vertu des articles 34 et 37 de la Constitution. "Le fétichisme de la loi écrite et codifiée"[1] est donc clairement atteint par ces décisions jurisprudentielles.

En l'espèce, la qualification juridique des bijoux portés par la dame de compagnie va être déterminante. Les lignes prochaines vont s'attarder à démontrer en quoi les bijoux portés sont des "souvenirs de famille". Dans un premier temps, il apparaît utile de préciser qu'aucune définition légale de la notion n'existe. Cependant, l'on peut communément admettre qu'un souvenir de famille est un bien meuble auquel une certaine valeur sentimentale est attachée. Il pourra par exemple s'agir d'un album de photographies de famille, d'un présent en tous genres ou quelque autre objet imagineable, l'importance résidant dans le fait qu'une valeur sentimentale est accordée au bien. En l'espèce, la défunte étant décédée à l'âge de 90 ans, atteinte de la maladie d'Alzheimer – subissant donc les effets connus – il apparaît légitime de croire que les bijoux n'ont pas été achetés il y a quelques jours ou quelques mois. La maladie d'Alzheimer et l'âge avancé de la défunte semblent aller à l'encontre d'un tel achat, d'autant plus qu'un tuteur ou un curateur a pu être nommé – nous aurons l'occasion de revenir sur ce point. Dès lors, la qualification de souvenir de famille semble pouvoir être attachée aux bijoux. Ceux-ci peuvent être des bijoux de faible valeur pécuniaire, cela n'atteindra pas leur valeur sentimentale.

Il convient à présent de justifier les lignes précédentes. Pourquoi s'attacher à qualifier l'objet du litige de "souvenirs de famille" ? Un jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 29 juin 1988 permet de répondre à cette interrogation. Sans revenir sur les faits de l'espèce, le jugement du tribunal de Paris indique expressément que les souvenirs de famille sont exclus du champ d'application de l'article 2279 du Code civil – selon l'ancienne codification. L'article 2276 alinéa premier du Code civil n'a donc pas une portée absolue et ne s'applique pas à certaines catégories de biens, notamment ceux faisant l'objet de règles particulières en matière de transmission. Les souvenirs de famille faisant effectivement l'objet de règles particulières – notamment en matière d'égalité des héritiers - les bijoux litigieux échappent donc à la règle selon laquelle "en fait de meubles, la possession vaut titre".

Allons plus loin

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